Film français d’Antoine Chevrollier (2024), avec Sayyid El Alami, Amaury Foucher, Damien Bonnard, Florence Janas, Artus, Léonie Dahan-Lamort, Mathieu Demy, Laëtitia Clément, Axelle Fresneau, Hadrien Heaulmé, Marion Hernandez, Yannis Maaliou, Crystal Shepherd-Cross, Nathalie Lherbette… 1h43. Sortie le 5 février 2025.
Sayyid El Alami et Damien Bonnard
Les passerelles sont désormais multiples entre le petit et le grand écran. C’est ainsi que bien qu’Antoine Chevrollier signe officiellement son premier film, il s’est fait déjà remarquer avec sa mini-série Oussekine diffusée sur la plateforme de streaming Disney+. Un banc d’essai d’autant plus déterminant qu’il lui a permis d’aborder le long métrage avec une longueur d’avance sur ses homologues. L’écriture, la mise en scène et la direction d’acteurs de La Pampa se ressentent de cette expérience concluante. Cette chronique se déroule dans un contexte rural où un club de moto-cross devient le cadre de véritables vies parallèles, en marge de la vie de province traditionnelle à laquelle le cinéma ne s’intéresse d’ailleurs que trop rarement, tant elle semble figée. Ce film situé en Anjou renverse la table et dément ces préjugés, tout en montrant un pays alternatif qui évolue à vitesse réduite et selon des codes différents de la France péri-urbaine dont raffolent les sociologues. Le réalisateur y retrouve en outre celui qui interprétait déjà le rôle-titre d’Oussekine, Sayyid El Alami. Un acteur subtil qui réussit paradoxalement à s’imposer par sa retenue dans un milieu plutôt abrasif où la virilité est érigée comme un signe de ralliement sinon une vertu et où l’hégémonie du patriarcat n’est pas vraiment remise en cause. Du moins en apparence…
Amaury Foucher
Présenté lors de la Semaine de la critique cannoise, La Pampa s’attache à des personnages comme on en voit rarement à l’écran : des passionnés de sports mécaniques qui exhibent leurs gros cubes de façon suffisamment ostensible pour ne pas avoir à donner de gages de leur masculinité, pour ne pas dire de leur masculinisme. Un propos d’autant plus surprenant qu’il semble s’être trompé d’époque et va à l’encontre de la tendance actuelle, mais explique de ce fait la fracture qui menace d’engloutir le pays tout entier. Mais sous les apparences se cache une autre réalité qui en dit long. Le talent d’Antoine Chevrollier consiste à aborder cette problématique en orchestrant un vaste jeu de dupes pour lequel il a fait appel à deux femmes scénaristes : Bérénice Bocquillon et la romancière Faïza Guène. Dans son film, la plupart des personnages sont doubles, mais l’ignorent, ou du moins font mine de ne pas s’en apercevoir. Alors quand deux amis d’enfance (l’un brun, l’autre blond) voient leurs rapports perturbés par l’irruption de la vérité, ce sont autant de masques qui tombent que de certitudes qui s’effondrent en cascade. Le film s’attache à une quête identitaire dans le milieu du moto-cross, avec tout le folklore et la testostérone qu’il véhicule. Il prend pourtant très vite son sujet à rebours et montre à quel point certains tabous ont la peau dure. Davantage qu’un film militant ou queer, La Pampa prône la tolérance et surtout la franchise. Un discours qui passe par une idée de casting audacieuse à travers le contre-emploi radical que tient Artus. C’est à ses moindres détails que ce film donne à entendre une voix alternative dans un cinéma français qui semble enfin prendre en compte la province et susciter un écho populaire, comme en ont attesté récemment des œuvres aussi différentes qu’En fanfare, Vingt dieux, Le royaume, Miséricorde, L’amour ouf ou Leurs enfants après eux. Quelque chose est en train de changer.
Jean-Philippe Guerand
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