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Articles

Affichage des articles du septembre, 2020

“Kajillionaire” de Miranda July

Film américain de Miranda July (2020), avec Evan Rachel Wood, Debra Winger, Gina Rodriguez, Richard Jenkins… 1h44. Sortie le 30 septembre 2020. Richard Jenkins,  , Debra Winger et  Evan Rachel Wood Le cinéma ne semble pas constituer une priorité absolue aux yeux de l’artiste américaine Miranda July qui ne signe avec Kajillionaire que son troisième long métrage en quinze ans, après le très singulier Moi, toi et tous les autres (2005) et le tout aussi décevant The Future (2011) dont elle tenait le rôle principal. À 46 ans, elle s’est trouvée cette fois un double idéal en la personne de la rousse Evan Rachel Wood dans un rôle très physique qui s’exprime moins aisément par le langage que par une élasticité corporelle qui lui permet de se changer, de s’escamoter et de se fondre dans le décor. Celle-ci campe une adulescente sous l’emprise de ses parents (Debra Winger et Richard Jenkins) qui voit ceux-ci s’enticher d’une étrangère de son âge (Gina Rodriguez) et l’intégr

“Un pays qui se tient sage” de David Dufresne

Documentaire français de David Dufresne (2020) 1h26. Sortie le 30 septembre 2020. De la révolte des Gilets Jaunes, ces sans-culottes du macronisme, le cinéma n’a pour l’instant fixé que quelques traces dont le documentaire de François Ruffin, J’veux du soleil (2019). Le propos du journaliste David Dufresne est quelque peu différent puisqu’il s’attache à la doctrine du maintien de l’ordre et à son application sur le terrain, en se fondant sur des images prises sur le vif et décryptées par divers spécialistes. Il affleure de cette démonstration une démarche dialectique plutôt rigoureuse qui prouve que chaque geste, et par extension chaque bavure, est la conséquence d’une stratégie globale aujourd’hui considérée comme caduque et d’ailleurs récemment corrigée. La démarche de Dufresne est d’autant plus intéressante qu’elle n’aurait sans doute pas pu faire l’objet d’une diffusion ni même d’une production télévisée. La meilleure preuve en est le refus réitéré de la préfec

“À cœur battant” de Keren Ben Rafael

The End of Love Film franco-israélien de Keren Ben Rafael (2019), avec Judith Chemla, Arieh Worthalter, Noémie Lvovsky… 1h30. Sortie le 30 septembre 2020. Judith Chemla Voici l’un de ces films dont l’intrigue conditionne un dispositif narratif qui confine au défi. Le point de départ en est élémentaire : Julie est française, Yuval israélien. Obligé de repartir dans son pays pour refaire ses papiers, ce dernier se trouve contraint de dialoguer avec son épouse et leur fils par écrans interposés, alors même que son séjour se prolonge pour des raisons administratives indépendantes de sa volonté. L’éloignement attise le désir autant qu’il exacerbe le moindre fait anodin. Keren Ben Rafael exploite habilement les ressources des moyens de communication modernes que sont Skype et autres Facetime. Elle pointe au passage l’intrusion dans notre intimité de toutes ces caméras miniaturisées qui abolissent les tabous et incitent l’individu à se donner constamment en spectacle, y co

“Josep” d’Aurel

Film franco-hispano-belge d’Aurel (2020), avec les voix de Sergi L ó pez, Gérard Hernandez, Bruno Solo… 1h14. Sortie le 30 septembre 2020. Le cinéma d’animation est aujourd’hui multiple et ne se restreint plus qu’au seul public enfantin. En voici une nouvelle démonstration magistrrale sous le trait acéré du dessinateur de presse Aurel qui officie notamment pour Le Monde et Le Canard enchaîné après avoir réalisé des croquis d’audience lors des procès d’assises. Il évoque dans son premier long métrage les fameux camps de concentration pyrénéens où les autorités françaises ont parqué les républicains espagnols chassés par le franquisme, avant d’y entasser d’autres parias de l’État français sous l’Occupation. Le réalisateur a choisi ce cadre sordide pour y raconter l’amitié spontanée d’un brave gendarme avec l’un des détenus du camp de Rivesaltes, dessinateur de son état. Cette histoire édifiante, c’est celle de Josep Bartoli, un artiste catalan d’exception et militant

"Stripped" de Yaron Shani

Love Trilogy : Stripped Film israélo-allemand de Yaron Shani (2018), avec Laliv Sivan, Bar Gottfried, Elad Shniderman… 2h. Sortie le 23 septembre 2020. Yaron Shani est un réalisateur qui a de la suite dans les idées et utilise la narration cinématographique comme un véritable laboratoire. Devenu célèbre avec Ajami (2009), œuvre chorale labyrinthique et foisonnante d’une rare maestria qu’il avait signée avec Sandar Copti, il est revenu cet été en solo avec une trilogie de l’amour qui s’attache à quelques êtres confrontés à la solitude et au mal de vivre dans un monde cruel qui les broie et les anonymise. Après Chained et Beloved, sortis à la faveur du déconfinement, Stripped (qui a bizarrement été tourné précédemment aux deux autres opus) s’attache à deux habitants d’un quartier de Tel Aviv que tout semble séparer, mais dont les routes vont finir par se croiser dans des circonstances inattendues. Alice vient de publier un premier roman remarqué. Sa rencontre avec

"Blackbird" de Roger Michell

Film britannique de Roger Michell (2019), avec Susan Sarandon, Sam Neill, Kate Winslet, Mia Wasikowska… 1h37. Sortie le 23 septembre 2020. L’argument est emprunté à Silent Heart (2014), un film danois réalisé par Bille August et demeuré inédit en France. Sachant sa fin imminente, une mère (Susan Sarandon) réunit ses proches autour d’elle afin d’essayer de laisser derrière elle une famille apaisée. Le fossé qui sépare ses deux filles est cependant un abysse. L’aînée (Kate Winslet) est castratrice, la cadette (Mia Wasikowska) vit avec une jeune femme qui a l’âge de son neveu. Le père (Sam Neill), lui, observe ce petit manège avec un humour mâtiné, mais n’est pas dupe pour autant. Tout l’enjeu de Blackbird réside dans un scénario en huis clos qui lorgne clairement du côté de la fameuse règle des trois unités et assume son caractère théâtral. Son intérêt repose sur la qualité exceptionnelle de son interprétation qui donne un précieux supplément d’âme à ce

"Pierre Cardin" de Todd Hughes et P. David Ebersole

House of Cardin Documentaire américano-français de Todd Hughes et P. David Ebersole (2019), avec Pierre Cardin, Jean-Paul Gaultier, Philippe Starck… 1h35. Sortie le 23 septembre 2020. Ces derniers temps, plusieurs créateurs de mode et couturiers ont fait l’objet de documentaires d’une qualité remarquable à l’occasion desquels le cinéma a souhaité prendre une certaine hauteur par rapport à ce monde fantasmatique. Sans atteindre la richesse esthétique bluffante du McQueen de Ian Bonhôte et Peter Ettedgui, l’évocation par les américains Todd Hughes et P. David Ebersole du doyen de l’école française, dont on réalise qu’il est aussi l’une des personnalités françaises les plus célèbres de la planète, s’impose par sa richesse et la multiplicité de ses angles croisés. Longtemps éclipsé par Yves Saint-Laurent et ses deux biopics médiatisés, voire le très narcissique Karl Lagerfeld, Pierre Cardin est restitué ici à travers une carrière exceptionnelle d’où émergent à la fois

“Éléonore” d’Amro Hamzawi

Film français d’Amro Hamzawi (2020), avec Nora Hamzawi, André Marcon, Julia Faure… 1h24. Sortie le 23 septembre 2020. Trimbalant avec elle le poids de son mal être de trentenaire en quête du prince charmant, sous la surveillance rapprochée de sa mère et de sa sœur, Éléonore a toujours rêvé de vivre de sa plume, mais se voit contrainte de réviser son plan de carrière à la baisse en acceptant un poste d’assistante à tout faire dans une maison d’édition d’ouvrages érotiques qui table moins sur sa renommée littéraire que sur les frustrations sexuelles de sa clientèle. Affectée d’une irrésistible maladresse, cette incorrigible idéaliste biberonnée à une culture vertueuse d’un autre âge, où la littérature est sacralisée comme un sacerdoce, rate à peu près tout ce qu’elle entreprend, faite d’aller au bout de ses envies et d'accepter la moindre compromission. Jusqu’au jour où elle réalise que c’est parmi ses névroses encombrantes qu’il lui faut puiser son inspiration,

Caroline Vignal : Vertiges de l’humour

Caroline Vignal sur le plateau d' Antoinette dans les Cévennes entre Olivia Côte et Laure Calamy Estampillé du prestigieux label “Sélection officielle du festival de Cannes 2020”, qui signifie que cette comédie aurait dû être présentée sur la Croisette en mai dernier, et bénéficier ainsi d’un retentissement médiatique optimum, Antoinette dans les Cévennes met en scène une institutrice à qui son amant, père d’une de ses élèves, annonce le jour de la kermesse de fin d’année qu’il part finalement en vacances en famille plutôt qu’avec elle. Sur un coup de tête, l’infortunée maîtresse (aux deux sens du terme) entreprend de suivre le goujat pour lui faire rendre raison de sa trahison. Mais sur place, rien ne va se passer comme elle l’avait escompté… Les néo-bobos Parisiens en goguette cheminant sur les traces de l’écrivain Robert Louis Stevenson (Docteur Jekyll et Mister Hyde) , accompagnés d’un âne parfois rétif, vont accomplir un périple pédestre qui tient autant du parcours