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Articles

Affichage des articles du juillet, 2020

"Tijuana Bible" de Jean-Charles Hue

Film français de Jean-Charles Hue (2019), avec Paul Anderson, Adriana Paz, Noé Hernandez… 1h32. Sortie le 29 juillet 2020. Voici un film qui s’avère indissociable de son mode de fabrication ébauché avec le court métrage Tijuana Tales , présenté à la Quinzaine des Réalisateurs en 2017 . Remarqué pour deux films consacrés à la communauté des gens du voyage, La BM du seigneur (2010) et Mange tes morts (Prix Jean Vigo 2014), Jean-Charles Hue a entrepris de se plonger en immersion dans les bas-fonds d’une ville mexicaine à la merci des narco-trafiquants. Il a toutefois souhaité y situer une pure fiction, quitte à prendre des risques évidents. Le résultat, saisissant, évoque des films comme La vierge des tueurs (2000) de Barbet Schroeder et Miss Bala (2011) de Gerardo Naranjo. Il est indissociable de la personnalité du comédien britannique qui en tient le rôle principal, Paul Anderson, transfuge de la série Peaky Blinders qui réussit la prouesse d’habiter son personna

"L'oiseau de paradis" de Paul Manaté

Film français de Paul Manaté (2020), avec Sebastian Urzendowsky, Blanche-Neige Huri, Patrick Descamps… 1h29. Sortie le 29 juillet 2020. De la Polynésie immortalisée par Gauguin, le cinéma a immortalisé la splendeur lointaine, qui va jusqu’à irradier le dessin animé Vaiana, la légende du bout du monde (2016), ou les ravages provoqués par les essais nucléaires. La tradition y est cependant encore présente dans les gestes les plus quotidiens de la vie. L’oiseau de paradis imbrique la modernité la plus insolente avec le poids des coutumes ancestrales. On peut sans doute compter sur les doigts d’une main les longs métrages situés dans l’archipel océanique. Celui-ci souligne à quel point cette terre française du bout du monde cultive par l’intermédiaire de sa communauté maorie davantage d’affinités culturelles avec l’Australie et la Nouvelle-Zélande qu’avec l’Hexagone. Son personnage principal est un assistant parlementaire ambitieux et hâbleur à qui l’une de

"Dark Waters" de Todd Haynes

"The King of Staten Island" de Judd Appatow

Film américain de Judd Apatow (2020), avec Pete Davidson, Marisa Tomei, Bill Burr… 2h17. Sortie le 22 juillet 2020. Judd Apatow ne se refait pas. Il s’appuie cette fois sur l’autobiographie de son interprète principal, Pete Davidson, pour mettre en scène l’histoire de Scott, un éternel adolescent hanté par la disparition dans un incendie de son pompier de père, faute d’avoir pu faire son deuil. Une chronique de la résilience qui permet au cinéaste de s’attacher une fois de plus à un personnage qui refuse de grandir, mais se cramponne à un rêve puéril : ouvrir un restaurant couplé avec un salon de tatouage. Dans la vraie vie, le père de Pete Davidson est mort dans les décombres du World Trade Center le 11 septembre 2001. Judd Apatow a toutefois choisi à dessein de le transformer en une victime de son devoir. C’est le culte que lui voue son fils qui l’élève au rang de héros.  Le réalisateur situe cette histoire à Staten Island, le faubourg le moins peuplé de la

"Lucky Strike" de Kim Yong-hoon

Beasts That Cling to the Straw Film sud-coréen de Kim Yong-hoon (2020), avec Jeon Do-yeon, Jung Woo-sung, Bae Seong-woo… 1h48. Sortie le 8 juillet 2020. Du cinéma coréen, on connaît à la fois l’œuvre d’auteurs aussi respectés qu’Hong Sang-soo, Kim Ki-duk et évidemment Bong Joon-ho, et des films de genre qui n’ont rien à envier aux productions occidentales du même ordre. Lucky Strike relève de la seconde catégorie. Inspiré d’un roman japonais écrit par Keisuke Sone, le premier film de Kim Yong-hoon est un pur thriller animé par un personnage féminin d’une perversité jubilatoire dont le scénario repose sur le principe de la théorie des dominos. Le lien entre les huit personnages principaux de ce ballet de dupes est constitué par un sac Vuitton (placement de produit exemplaire !) rempli de billets de banque qui passe de main en main et représente pour chacun d’eux la promesse éphémère d’une nouvelle vie. À ce détail près que les cadavres s’amoncellent et que ce jeu

"L’envolée" d’Eva Riley

Perfect 10 Film britannique d’Eva Riley (2019), avec Frankie Box, Alfie Deegan, Sharlene Whyte…  1h23.  Sortie le 8 juillet 2020. Frankie Box Concentrée sur la performance, Leigh a voué son adolescence à la gymnastique. L’irruption dans son paysage familial dévasté d’un demi-frère dont elle ignorait jusqu’à l’existence va l’aider à grandir et à relever le plus beau des défis : devenir une compétitrice combative. L’envolée est tout à la fois une magnifique chronique de l’âge ingrat et une exaltation de l’effort à la fois sportif et artistique. Après une demi-douzaine de courts métrages, Eva Riley signe un premier long dont la modestie s’exprime dans la brièveté. Le film ne s’encombre ni de scènes inutiles ni de tics de mise en scène. Il va droit à l’essentiel et se concentre sur la psychologie de ses personnages. La réalisatrice trouve en Frankie Box une interprète idéale de sensibilité et de retenue, en traquant au plus près les états d’âme de son personnage dan

"Benni" de Nora Fingscheidt

Systemsprenger Film allemand de Nora Fingscheidt (2019), avec Helena Zengel, Albrecht Schuch, Gabriela Maria Schmeide… 1h58. Sortie le 22 juin 2020. Benni, 9 ans, a été confiée aux services sociaux par sa mère qui s’est révélée impuissante à canaliser son énergie. Révoltée contre cette injustice qui la prive d’une enfance normale, la gamine va d’échec en échec. Au point d’avoir épuisé toutes les solutions qui s’offrent aux enfants dans sa situation. Jusqu’au moment où une assistante sociale compatissante et un éducateur déterminé vont tenter de percer le mystère de sa révolte permanente. Le premier film de la réalisatrice allemande Nora Fingscheidt, couronnée du prestigieux Prix Alfred Bauer à la Berlinale 2019, impressionne par sa radicalité et son refus de séduire. C’est pourtant l’un des plus beaux portraits de l’enfance en danger jamais réalisés depuis Les quatre cents coups de François Truffaut, Kes de Ken Loach ou Pixote d’Hector Babenco. Il montre comment

"Be Natural, l'histoire cachée d'Alice Guy-Blaché” de Pamela B. Green

Film américain de Pamela B. Green (2019), avec Evan Rachel Wood, Andy Samberg, Geena Davis… 1h42. Sortie le 22 juin 2020. « Soyez naturel. » Ce mantra cher à Alice Guy-Blaché est le titre judicieux du documentaire que consacre Pamela B. Green à cette pionnière du septième art devenue désormais une égérie, après avoir été écartée de l’histoire officielle. Le postulat sur lequel s’appuie ce projet doté de moyens conséquents, grâce à l’influente Jodie Foster, n’est pourtant pas totalement fondé. Il y a déjà quelques années que le nom de la secrétaire de Léon Gaumont promue réalisatrice, puis partie à la conquête des États-Unis avec son mari britannique, Herbert Blaché, a été réhabilité en France. Dès 1983, la réalisatrice Caroline Huppert confiait d’ailleurs son rôle à Christine Pascal dans un très beau téléfilm intitulé Elle voulait faire du cinéma . Par la suite, Gaumont a réuni 65 de ses 700 films dans un coffret DVD consacré au cinéma premier. Plusieurs

"Sapphire Crystal" de Virgil Vernier

Sapphire Crystal de Virgil Vernier Film français de Virgil Vernier (2019), avec Maxime Brueggler, Lou Cohen, Olivia de La Baume… 31 mn. Sortie le 14 juillet 2020. Immersion en apnée parmi la jeunesse dorée de Genève. Des pauvres petites filles riches et des fils de… qui tuent leur ennui en sniffant des rails de coke coupés de poudre d’or pur. Après Orléans (2012) Mercuriales (2014) et Sophia Antipolis (2018), Virgil Vernier nous offre une plongée en apnée, qu’on pourrait qualifier de descente aux enfers, dans un monde de la nuit où l’argent est roi, mais n’achète visiblement pas le bonheur. Il émane de ces conversations un indicible parfum de mort. Chez ces gens-là, tout est permis et il n’existe aucune limite. Sapphire Crystal est un témoignage prodigieux sur un monde à part où règnent à la fois un ennui incoercible et une endogamie suicidaire. Ces jeunes héritiers de bonnes familles n’ont nul besoin de poursuivre un idéal. Leur destin est déjà tracé : ils sont

"Le sel des larmes" de Philippe Garrel

Film français de Philippe Garrel (2019), avec Logann Antuofermo, Oulaya Amamra, Louise Chevillotte… 1h40. Sortie le 14 juillet 2020. Louise Chevillotte et  Logann Antuofermo dans Le sel des larmes Étonnante trajectoire que celle de Philippe Garrel. Ce jeune prodige du cinéma post-soixante-huitard érigé à ses débuts comme le seul héritier digne de Godard s’est fait remarquer à travers des films résolument underground avant d’évoluer, lentement mais sûrement, vers l’ascèse pure et simple. Il répète longuement, tourne à l’économie et privilégie aujourd’hui la pureté du noir et blanc pour s’approcher au plus près de l’intime. Comme s’il désirait rattraper le temps perdu et projeter à l’écran les états d’âme d’une jeunesse qui n’est ni la sienne ni même celle de ses coscénaristes chevronnés, hier le romancier Marc Chodolenko, aujourd’hui Jean-Claude Carrière, avec depuis plus de vingt ans la discrète Arlette Langmann qui officia naguère auprès de ces orfèvres en senti