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“Oussekine” d’Antoine Chevrollier



Mini-série française d’Antoine Chevrollier (2022), avec Sayyid El Alami, Hiam Abbass, Malek Lamraoui, Tewfik Jallab, Naidra Ayadi, Mouna Soualem, Kad Merad, Olivier Gourmet, Laurent Stocker, Thierry Godard, Gilles Cohen, Mathieu Demy, Bastien Bouillon, Slimane Dazi… 4 épisodes de 54 mn à 1h04. Mise en ligne sur Disney + le 11 mai 2022.



Sayyid El Alami



Il aura donc fallu trente-cinq ans pour le cinéma et la télévision reviennent simultanément sur ce qu’on a appelé l’affaire Malik Oussekine : le passage à tabac qui a entraîné la mort d’un jeune homme d’origine maghrébine. Un étudiant prometteur de retour d’un concert de jazz qui a eu la malchance de croiser la route d’un équipage de grenadiers-voltigeurs chargé d’interpeller des étudiants attardés, suite à la dislocation d’une manifestation contre le projet de loi Devaquet, dans la soirée du 5 décembre 1986. Un fait divers devenu emblématique du racisme endémique de la société française dont Rachid Bouchareb vient également de tirer un film pour le cinéma intitulé Nos frangins, sélectionné quant à lui au Festival de Cannes dans la section Cannes Premières et programmé dans les salles à l’automne prochain. Oussekine revient sur les circonstances de cette “bavure” dans le contexte d’une France présidée par François Mitterrand (qui a rendu visite en personne à la famille de la victime) avec un gouvernement de cohabitation dirigé par Jacques Chirac dont l’homme fort était Charles Pasqua… ministre de l'Intérieur influent mais étonnamment absent de cette reconstitution qui revient sur une bavure policière devenue une véritable affaire d’État récupérée de toutes parts qui a jeté toute une génération dans les rues et provoqué un vaste choc sociétal.



Malek Lamraoui, Tewfik Jallab
Kad Merad et Hiam Abbass



On retrouve au scénario de cette mini-série le réalisateur Antoine Chevrollier (déjà associé au Bureau des légendes et à Baron noir), mais aussi Faïza Guene (qui a travaillé sur la série Jour polaire, 2016), Julien Lilti (nommé au César pour sa contribution au script d’Hippocrate de son frère Thomas) et Cédric Ido (lui-même coréalisateur de La vie de château, 2017). La réussite de la narration repose sur sa quête de la vérité et une distribution impeccable qui vaut à Kad Merad de camper un Georges Kiejman aussi crédible qu’Olivier Gourmet dans le rôle du ministre délégué à la sécurité Robert Pandraud, avec une mention particulière à Hiam Abbass en mère courage. La reconstitution de la France de l’ère SOS Racisme s’avère particulièrement soignée, avec en filigrane cette situation précaire des immigrés maghrébins de la deuxième génération auxquels une partie de la société de l’époque n’accordait encore que du bout des doigts le droit d’être des Français à part entière. Au-delà d’une reconstitution impeccable qui concerne autant les signes extérieurs des années 80 que leur état d’esprit, Oussekine s’attache à la situation d’une famille immigrée déchirée entre le pays natal des parents qui ne veut plus entendre parler d’eux et leur nouvelle patrie qui peine à les considérer comme des citoyens tout à fait à part entière, malgré leur intégration exemplaire. Cette série est un modèle du genre à qui son diffuseur est en mesure d’assurer la plus large audience, en France comme à l’étranger.

Jean-Philippe Guerand



Sayyid El Alami

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