Bud Spencer © DR
De Dieu pardonne… Moi pas ! (1967) à Petit papa baston (1994), Bud Spencer a tenu auprès de Terence Hill le rôle de complice
qu’Oliver Hardy jouait aux côtés de Stan Laurel. À 75 ans et après plus de cent films,
l’ex-champion de natation Carlo Pedersoli, colosse bedonnant et affable, était la
surprenante révélation d’En chantant derrière les paravents (2003) d’Ermanno Olmi, Palme d’or à Cannes pour
L’arbre aux sabots. Une expérience faste pour un tournant inattendu au sein d’une carrière jusqu’alors tournée massivement vers la comédie et l’action d’où émergent des films comme On l’appelle Trinita (1970), Deux super-flics (1977), Pair et impair (1978), Salut l’ami, adieu le trésor (1981) et les aventures télévisées d’Extralarge (1991-1993). Entrevue avec un phénomène du box-office.
« Ermanno Olmi a insisté pour que je
garde mon pseudonyme, car il évoque pour lui la puissance, la lutte et la
violence. En outre, c’était aussi une curiosité pour le public de pouvoir découvrir
Bud Spencer dans un film différent de tous ceux qu’il a tournés au cours de sa
vie. Le rôle que je joue dans En chantant derrière les paravents est l’équivalent de celui tenu naguère par le chœur dans les tragédies
grecques. Ce film est une fable et, en tant que tel, il avait besoin d’un
narrateur. Sur le tournage, Olmi me donnait chaque soir les dialogues du
lendemain. C’était très nouveau pour moi car je tournais sans connaître l’intégralité
de l’histoire. Et pour être tout à fait franc, il m’a fallu une dizaine de
jours pour m’habituer à cette façon de travailler, mais quand j’ai compris mon
personnage, tout est devenu évident. Olmi est vraiment un génie. Quand je lui
ai demandé pourquoi il avait pensé à moi, il m’a avoué qu’aux moments de sa vie
où il était malade et alité, il regardait mes films pour se distraire. »
Jésus
« Je viens de terminer un scénario
sur le grand-père de Jésus que j’espère produire en février 2005 [“Padre Speranza”]. En fait, ça
n’a rien à voir avec la religion, car ce personnage n’est mentionné nulle part.
C’est l’histoire d’un petit garçon de huit ans qui rencontre le patron d’un cirque
que j’interprète. Celui-ci exécute des tours de magie, fait sortir des colombes
de son chapeau et crache du feu. Un soir, il invite le petit Jésus au spectacle
et lui dit de venir avec ses parents et même ses grands-parents. Et comme il
n’a pas de grand-père, il lui propose de le remplacer et c’est ainsi que
commence cette comédie où il ne sera jamais question de religion. »
Personnage
« Je ne suis pas un acteur. Je suis
un personnage. J’ai tourné cent trois films, mais je n’ai jamais étudié la
comédie. J’ai aussi eu la bonne fortune de participer avec Terence Hill à la
naissance d’un genre, non pas le western spaghetti mais le western comique tel
qu’a pu l’illustrer ensuite Mel Brooks dans Le shérif est en
prison. C’est un genre qui reposait davantage sur la gestuelle sur le
langage, ce qui lui a permis d’être compris partout dans le monde. En effet,
c’est un fait que les cow-boys avaient besoin d’un minimum de mots pour se
faire comprendre. C’est pourquoi quand on m’a proposé d’interpréter le
personnage de Gulliver dans un film anglais, il y a une quinzaine d’années,
j’ai refusé car je devais y travailler avec les meilleurs acteurs de théâtre
britannique et mon accent me rendait très mal à l’aise. J’ai tourné
quatre-vingt films en anglais dans lesquels j’incarnais systématiquement des
personnages dont on justifiait les origines étrangères, mais là il était hors
de question que je joue ce rôle avec un accent. »
Débuts
« J’ai concouru dans la même
olympiade que le français Jean Boiteux qui est resté un ami. C’était en 1952 à
Helsinki. Je pratiquais le cent mètres nage libre dont le champion du monde
était un autre Français, Alex Jany, avec qui je suis également toujours en
contact. Je n’ai jamais prémédité de devenir acteur. Pourtant mon épouse,
Maria, est la fille du producteur du Voleur de bicyclette et de
La dolce vita, Giuseppe Amato, qui est mort en 1964, mais ne m’a
jamais proposé le moindre rôle. En fait, tout a commencé en 1967. Je venais de
passer huit ans en Amérique du Sud pour le compte d’une entreprise de ponts et
chaussées qui construisait des routes au Brésil, en Argentine et au Venezuela.
Je mangeais beaucoup et je ne pratiquais plus aucune activité sportive, donc
quand je suis rentré en Italie, j’avais énormément grossi. Un producteur qui se
souvenait de mes exploits sportifs m’a contacté en me proposant un salaire d’un
million de lires pour deux mois de tournage. J’avais été champion d’Italie
pendant des années, j’avais disputé deux olympiades, quatre championnats
d’Europe et j’avais même joué dans l’équipe championne du monde de water-polo
sous mon véritable nom, Carlo Pedersoli. En tournant ce premier film, j’ai
décidé de prendre un pseudonyme. J’ai choisi Spencer parce que j’adore Spencer
Tracy et Bud parce que c’est l’abréviation de Budweiser, la bière que je buvais
à l’époque [rires]. »
Tandem
« Mon association avec Terence Hill
est née par hasard. En effet, je devais tourner un western intitulé Dieu
pardonne… Moi pas ! avec un comédien du nom de Peter Martell, mais alors
que nous étions partis tourner à Madrid, celui-ci s’est cassé le pied. Du coup,
le réalisateur, Giuseppe Colizzi, a dû retourner à Rome où il a engagé un
certain Mario Girotti qui a adopté le pseudonyme de Terence Hill. On a tourné
par la suite seize films en vedette ensemble et on est resté très amis. Deux ou
trois duos se sont formés dans le monde pour nous concurrencer, mais aucun n’a
marché. Aujourd’hui Ermanno Olmi envisage de réaliser un film dans lequel
j’incarnerais Sancho Pança et où Terence Hill interprèterait Don
Quichotte. »
Propos
recueillis par
Jean-Philippe
Guerand
en
décembre 2004
Bande annonce de Salut l’ami, adieu le trésor de Sergio Corbucci (1981)
Commentaires
Enregistrer un commentaire