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“En fanfare” d’Emmanuel Courcol



Film français d’Emmanuel Courcol (2024), avec Benjamin Lavernhe, Pierre Lottin, Sarah Suco, Jacques Bonnaffé, Clémence Massart, Anne Loiret, Mathilde Courcol-Rozès, Yvon Martin, Isabelle Zanotti, Nicolas Ducron, Charlie Nelson, Marie-Josée Billet, Antonin Lartaud, Rémi Fransot, Johnny Montreuil, Johnny Rasse, Ludmila Mikaël, Gabrielle Claeys… 1h43. Sortie le 27 novembre 2024.



Benjamin Lavernhe



Il y a des films qui font chaud au cœur. Venu tardivement à la réalisation, Emmanuel Courcol a décidé aujourd’hui de mettre les bouchées doubles afin de rattraper le temps perdu. Ce comédien devenu scénariste pour Philippe Lioret sur trois films a signé son premier long métrage, Cessez-le-feu (2016), à l’approche de la soixantaine, puis s’est essayé au Feel Good Movie avec le suivant, Un triomphe (2021). Rebelote avec En fanfare qui s’attache à la rencontre de deux demi-frères musiciens que tout oppose socialement et culturellement, et pourtant que tout rapproche sur le plan humain, à commencer par une bienveillance partagée. Le premier est un chef d’orchestre de renom, le second joue du trombone dans une fanfare villageoise du Nord de la France et s’en satisfait parce que c’est surtout l’occasion de retrouver ses copains en partageant un bon moment. Ils ont beau avoir grandi dans l’ignorance l’un de l’autre, lorsque le premier a besoin d’une greffe de moelle de la part d’un donneur compatible, c’est le second qu’il sollicite en découvrant du même coup son existence. Une complicité inattendue va s’établir entre eux et rendre leur noblesse aux liens du sang, en distinguant les vertus comparées de l’inné et de l’acquis. Avec en retour une volonté du plus fortuné d’aller à rebours du déterminisme social et d’offrir à son frère l’occasion d’accéder à la reconnaissance en prenant sa revanche sur la vie.



Pierre Lottin et Sarah Suco



En fanfare tombe à pic dans une époque qui offre peu d’occasions de se réjouir. Rien n’y est ni artificiel ni fabriqué. Tout repose en fait sur la personnalité tranchée de ses deux protagonistes qu’incarnent des comédiens aux antipodes l’un de l’autre. D’un côté, un pur produit de la Comédie Française, Benjamin Lavernhe, qui nous a habitués à des compositions particulièrement spectaculaires. De l’autre, Pierre Lottin qui assume sa gouaille populaire et renoue avec une longue tradition nourrie par un parler pittoresque qui lui a valu de passer du rôle du fils aîné bas de plafond des Tuche au repris de justice altruiste de Quand vient l’automne. En fanfare repose en fait sur la fameuse loi des contraires qui montre comment les caractères les plus opposés peuvent parfois se rapprocher et surtout se nourrir et s’enrichir mutuellement. L’enthousiasme spectaculaire qui gagne spontanément les spectateurs des salles où il est projeté reflète le plaisir subtil qu’il distille à travers l’esquisse d’un monde qui retrouverait sa foi en une valeur cardinale en voie de disparition : la générosité. Certes, les contraires s’attirent, mais ici ce sont les personnages eux-mêmes qui donnent un coup de pouce au destin et entreprennent de renverser la table, à l’initiative du concertiste à qui tout a réussi, obligé de sortir de l’anonymat cet animateur de cantine brut de décoffrage qui n’a d’autre ambition que d’être bien dans sa vie. Avec à la clé une histoire où tout sonne juste, mais où rien ne semble fabriqué, Emmanuel Courcol se contentant de donner un coup de pouce au destin et d’en observer ensuite les conséquences sans jamais chercher à jouer au plus malin avec les sentiments. Un pur bonheur qui pourrait bien devenir le phénomène cinématographique de cette fin d’année.

Jean-Philippe Guerand




Pierre Lottin et Benjamin Lavernhe

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