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Affichage des articles du février, 2024

Asmae El Moudir : Donner une réalité au réel

Asmae El Moudir © DR Lauréate de l’Œil d’or, ex æquo avec Les filles d’Olfa de la réalisatrice tunisienne Kaouther Ben Hania, mais aussi du prix de la mise en scène de la section Un certain regard au Festival de Cannes (un comble pour un documentaire !) et l’Étoile d’or du festival de Marrakech (une consécration inédite pour un film marocain), Asmae El Moudir, née en 1990, fait partie de ces documentaristes qui réinventent le genre pour cerner la vérité au plus près, en reconstituant des images inexistantes ou détruites par les censeurs. Une démarche de résilience collective où elle a assigné un rôle précis à chacun des membres de sa famille afin de faire éclater une vérité trop longtemps enfouie sous des simulacres alternatifs. T itulaire d’un master en production de l’Institut supérieur de l’information et de la communication de Rabat et passée par l’université d’été de la Fémis dans le cadre de laquelle elle a réalisé Mémoires anachroniques ou le couscous du vendredi midi (2013) p

“La mère de tous les mensonges” d’Asmae El Moudir

Kadib Abyad Documentaire maroco-égypto-saoudo-quatarien d’Asmae El Moudir (2023), avec Zahra Jeddaoui, Mohamed El Moudir, Ouardia Zorkani, Abdallah EZ Zouid, Zaid Masrour, Asmae El Moudir… 1h36. Sortie le 28 février 2024. Un nouveau langage Le documentaire est aujourd’hui devenu un véritable laboratoire qui ne cesse de se réinventer. Rithy Panh a révolutionné ce genre avec L’image manquante où, face à l’absence totale d’archives filmées de la mainmise des Khmers rouges sur le Cambodge, il a reconstitué des scènes de la vie quotidienne à l’aide de figurines pour donner à voir ce que les oppresseurs avaient entrepris d’effacer scrupuleusement. Ce qu’on fait également depuis des films d’animation consacrés à des pays aussi fermés que l’Afghanistan ou l’Iran. Un heureux hasard a voulu que les deux films lauréats de l’Œil d’or au dernier Festival de Cannes se soient inspirés de cette démarche. La réalisatrice tunisienne Kaouther Ben Hania a ainsi compensé l’absence de trois des Filles d’O

“Black Tea” d’Abderrahmane Sissako

Film franco-luxembourgo-taïwanais d’Abderrahmane Sissako (2023), avec Nina Melo, Han Chang, Wu Ke-xi, Michael Chang, Yu Pei-jen, Wei Huang, Emery Gahuranyi, Isabelle Kabano, Odo Marie, Franck Pycardhy, Cheikh Ahmed Kenkou… 1h50. Sortie le 28 février 2024. Nina Melo et  Wei Huang Un exil exotique Abderrahmane Sissako est un homme raisonnable qui ne filme que quand il en éprouve un véritable besoin. César 2015 du meilleur réalisateur pour Timbuktu , chronique impressionniste de l’impact du fondamentalisme religieux sur la vie quotidienne d’un village mauritanien, il revient neuf ans plus tard avec un film aux antipodes du précédent à tous les sens du terme. Entre-temps, il s’est associé avec le compositeur britannique Damon Albarn pour évoquer huit siècles d’histoire des Mandingues dans un opéra intitulé Le vol du boli (2020). Black Tea s’attache à l’exil d’une jeune Ivoirienne qui décide de dire non à l’homme qu’elle s’apprêtait à épouser et remet son avenir en question en émigrant à

“Dune : Deuxième partie” de Denis Villeneuve

Dune : Part Two Film américain de Denis Villeneuve (2023), avec Timothée Chalamet, Zendaya, Rebecca Ferguson, Josh Brolin, Austin Butler, Florence Pugh, Dave Bautista, Christopher Walken, Léa Seydoux, Souheila Yacoub, Stellan Skarsgård, Charlotte Rampling, Javier Bardem, Stephen McKinley Henderson, Tim Blake Nelson… 2h46. Sortie le 28 février 2024.  Zendaya et  Timothée Chalamet Jusqu’au bout du rêve Publié à partir de 1965, le cycle de Dune de Frank Herbert a fait fantasmer Alejandro Jodorowsky dix ans plus tard avant d’inspirer à David Lynch en 1984 ce qui reste un ratage d’anthologie. Comme si dans ces années 70 et 80 où la science-fiction anoblie par la saga Star Wars commençait à devenir rentable et à justifier des budgets à la démesure de ses ambitions, toutes les conditions n’étaient pas encore réunies pour s’attaquer à de telles citadelles littéraires. Il aura ainsi fallu près d’un demi-siècle au Seigneur des anneaux de J. R. R. Tolkien paru en 1954-1955 pour donner lieu à

“Débâcle” de Veerle Baetens

Het Smelt Film belgo-néerlandais de Veerle Baetens (2022), avec  Rosa Marchant,  Charlotte de Bruyne, Sebastien Dewaele, Naomi Velissariou, Amber Metdepenningen, Anthony Vyt, Matthijs Meertens, Charlotte van der Eecken… 1h51. Sortie le 28 février 2024. Rosa Marchant Une femme dans un monde d’hommes Certaines cinématographies se reconnaissent au premier coup d’œil. D’où vient donc la rage qui sous-tend certains films belges et notamment flamands ? Sans doute pour une bonne part des antagonismes qui fracturent ce plat pays depuis des lustres et y ont érigé le communautarisme en un véritable venin souterrain. Des films comme La merditude des choses (2009) de Felix van Groeningen, Bullhead (2011) de Michaël R. Roskam ou Animals (2021) de Nabil Ben Yadir témoignent à des titres divers d’une rare sauvagerie et puisent tous leur origine dans la Belgique profonde la moins reluisante. Dans son premier film en tant que réalisatrice, la comédienne Veerle Baetens a entrepris de porter à l’éc