Film américain de Laura Wandel (2025), avec Léa Drucker, Anamaria Vartolomei, Jules Delsart, Alex Descas, Laurent Capelluto, Monia Douieb, Timur Magomedgadzhiev, Claire Bodson, Charlotte de Bruyne, Karim Chihab, Yves-Marina Gnahoua, Athena Danae Poullos, Max Robin… 1h13. Sortie le 17 septembre 2025.
Anamaria Vartolomei et Léa Drucker
Une journée aux urgences, un petit garçon admis pour malnutrition en compagnie de sa mère est pris en charge par une infirmière qui va tout mettre en œuvre pour… l’intérêt d’Adam. Comme dans son premier film, Un monde (2021), qui explorait une cour de récréation à hauteur d’enfant avec une économie de moyens remarquable et un art de l’ellipse porté à son paroxysme, le nouveau long métrage de Laura Wandel fait sienne l’antienne de Boileau selon laquelle « l’action doit se dérouler en vingt-quatre heures, en un seul lieu et ne doit être constituée que d’une seule intrigue ». Le film décrit ainsi pas à pas l’affrontement à fleurets mouchetés de deux femmes qui se battent chacune à sa façon pour ce gamin : la mère pour conserver sa garde, face à un père défaillant qui a déjà fondé un nouveau foyer en croyant pouvoir effacer le premier, tout en l’astreignant à un régime alimentaire contre nature ; l’infirmière en chef afin de maintenir le lien entre la mère et son fils, tout en essayant de la raisonner sur ses principes nutritionnels néfastes. Laura Wandel confronte à cet effet deux comédiennes à la pointe de leur art : Léa Drucker, devenue la consolatrice en chef du cinéma belge après son rôle inoubliable dans Close de Lukas Dhont, et Anamaria Vartolomei dont l’appétence pour les emplois sur le fil du rasoir ne cesse d’impressionner depuis L’événement d’Audrey Diwan et Maria de Jessica Palud. C’est en misant sur leurs contrastes saisissants que la réalisatrice transcende son sujet sans chercher à solutionner une situation a priori inextricable. Le happy end n’est en aucun cas une solution satisfaisante à ses yeux. Tout au plus s’agit-il de rétablir un semblant de dialogue pour progresser vers un apaisement en douceur. Comme si Laura Wandel s’était donnée pour mantra “ les femmes et les enfants d’abord ”.
Anamaria Vartolomei, Jules Delsart et Léa Drucker
L’intérêt d’Adam coche toutes les cases d’un bon film : scénario, découpage, mise en scène, direction d’acteurs et montage. Comme Un monde, le film s’inscrit dans une concision rare qui témoigne de l’exigence de sa réalisatrice : 1h12 pour le premier, 1h18 pour le second. Le rythme n’est nullement trépidant pour autant. Chaque plan dure précisément ce qu’il faut : ni trop, ni trop peu. On imagine l’autodiscipline à laquelle a dû s’astreindre la cinéaste pour négocier tous les obstacles qui s’offraient à elle, en évitant la complaisance et le pathos. Et si le film émeut et même bouleverse, c’est par les silences qu’il sait ménager et rendre plus éloquents que bien des discours inutiles. Ici tout est à l’os, mais l’émotion n’est ni bridée ni exacerbée. Elle émerge de petits riens et de non-dits qui tissent petit à petit une toile inextricable. Chacune reste dans son rôle, mais Laura Wandel cherche moins une solution pérenne, qui viendra sans doute plus tard, qu’une sorte de statu quo qui préserve cet enfant victime des adultes et de leurs mauvais choix. Pas question non plus d’utiliser cette situation de crise pour donner des leçons. Le manichéisme n’est pas de mise. Les protagonistes de cette tranche de vie se trouvent confrontés à des responsabilités qui en viennent parfois à les dépasser, sans que la cinéaste s’arroge en aucune façon le droit de les juger ni surtout de les condamner. Tout y est affaire de petits arrangements… Sa mise en scène les suit sans tenter de se substituer à notre regard et si, comme l’affirmait Jacques Rivette à propos de Kapó de Gillo Pontecorvo, un travelling est une affaire de morale, la caméra se met ici au service du récit avec une humilité qui passe par une rare économie de moyens, mais pas de mouvements, le rythme étant celui qui règne dans l’hôpital. Difficile de ne pas émerger de ce film sans une boule en travers de la gorge.
Jean-Philippe Guerand
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