Film français de Jessica Palud (2024), avec Anamaria Vartolomei, Matt Dillon, Yvan Attal, Marie Gillain, Stanislas Merhar, Céleste Brunnquell, Giuseppe Maggio, Hugo Becker, Alexis Corso, Aurélie Garault, Swann Dupont, Patrice Tepasso, Alexandre Ionescu… 1h40. Sortie le 19 juin 2024.
Anamaria Vartolomei
De Maria Schneider, les cinéphiles ne retiennent pour la plupart que deux ou trois films. Parmi ceux-ci celui qui l’a rendue célèbre : Le dernier tango à Paris de Bernardo Bertolucci dans lequel elle vit une folle passion avec un homme mûr qu’incarne Marlon Brando. Un film tourné dans l’euphorie post-soixante-huitarde qui témoignait alors d’une nouvelle liberté des mœurs, d’ailleurs plébiscitée par le grand public et non des spectateurs libidineux en quête d’émotions fortes. Au cours de l’hiver 1972, le film attire plus de cinq millions de spectateurs et ne sera dépassé par aucun des autres films du réalisateur, pas même Le dernier empereur. Le grand public qui va s’encanailler à cette liaison sulfureuse en retiendra essentiellement une scène où la jeune femme est sodomisée par son amant à l’aide d’une plaquette de beurre. Personne n’y trouvera cependant rien à redire. Le tournage de cette séquence laissera toutefois des séquelles irréparables à son interprète féminine que ni le cinéaste ni son partenaire n’ont jugé utile de prévenir de cet acte aujourd’hui assimilé à un viol en bonne et due forme. La postérité s’en est emparée, après la mort de l’actrice à l’âge de 58 ans en février 2011, par la plume de sa petite cousine grand reporter au “Monde”, Vanessa Schneider qui lui a consacré un livre intitulé “Tu t'appelais Maria Schneider” (Grasset et Fasquelle, 2018) où elle relate son destin tragique.
Anamaria Vartolomei et Matt Dillon
Maria se focalise essentiellement autour du tournage du Dernier tango à Paris et le profond traumatisme qui a détruit son interprète féminine à petit feu. Le film évoque en outre cette génération sacrifiée qui s’est abîmée dans le sexe et les paradis artificiels associés aux substances délétères pour dresser le portrait d’une comédienne délaissée par un père irresponsable, Daniel Gélin (incarné ici par Yvan Attal qui ne cherche pas à lui ressembler), et jalousée par une mère toxique (prodigieuse Marie Gillain). Il repose par ailleurs sur la prestation d’une interprète exceptionnelle, Anamaria Vartolomei, bientôt à l’affiche du Comte de Monte-Cristo, face à un Matt Dillon époustouflant dans le rôle impossible de Marlon Brando. Jessica Palud sert son sujet sans se perdre en digressions inutiles et trouve constamment le ton juste et la bonne distance en assumant ses partis-pris. Elle préfère ainsi montrer Maria Schneider condamnée à se prêter aux fantasmes de réalisateurs sans le moindre talent, à l’instar du tournage baroque de Mama Dracula de Boris Szulzinger, mais suffisamment lucide pour extraire de son calvaire ses collaborations avec Michelangelo Antonioni (Profession : reporter, 1975) et Jacques Rivette (Merry-Go-Round, 1980). Ce biopic dépourvu de complaisance lui rend une partie de sa dignité bafouée en pointant des pratiques abusives que le petit monde du cinéma fait mine aujourd’hui de découvrir après avoir détourné les yeux pendant trop longtemps. Maria est en cela un film de salubrité publique.
Jean-Philippe Guerand
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