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“Dalloway” de Yann Gozlan



Film franco-belge de Yann Gozlan (2025), avec Cécile de France, Lars Mikkelsen, Anna Mouglalis, Mylène Farmer (voix), Frédéric Pierrot, Freya Mayor, Douglas Grauwels, Mark Irons, Sophie Maréchal, David Fouques, Vinh Long, Stéphanie Van Vyve… 1h50. Sortie le 17 septembre 2025.



Cécile de France



Accueillie dans une résidence d’artistes à la pointe de la modernité et du bon goût, une romancière cohabite avec une assistante virtuelle qui veille à tous ses besoins et plus encore pour la mettre dans des conditions optimales de créativité. Jusqu’au moment où l’IA se met à déborder de ses fonctions d’ange gardien et à devenir de plus en plus intrusive. Sa protégée entreprend alors d’en avoir le cœur net et de découvrir ce qui se cache dans les entrailles de ce paradis artificiel où d’autres incidents éveillent ses soupçons.  On connaît la fascination de Yann Gozlan pour les technologies de pointe et la menace qu’elles peuvent représenter lorsqu’elles sont placées entre de mauvaises mains. Il l’avait démontré dans le techno-thriller Boîte noire (2021), puis dans une tentative plus onirique, Visions (2023). Il s’appuie cette fois sur un best-seller de la romancière Tatiana de Rosnay, “Les fleurs de l’ombre” (Robert Laffont-Héloïse d’Ormesson, 2020), qui met en garde contre la menace de l’intelligence artificielle si elle venait à se trouver entre de mauvaises mains. L’une de meilleures idées de cette adaptation réside dans son casting. Cécile de France y renoue avec le registre du thriller psychologique qu’elle a souvent pratiqué de Haute tension (2003) d’Alexandre Aja à Par amour (2024) d’Élise Otzenberger tandis que la chanteuse Mylène Farmer prête sa voix reconnaissable à cette IA invisible mais omniprésente baptisée en hommage au roman “Mrs Dalloway” de Virginia Woolf.



Cécile de France



Yann Gozlan circonscrit son univers avec habileté et nous entraîne dans un univers étrange pavé de mauvaises intentions où la blancheur immaculée du cadre contraste avec la noirceur des événements qui s’y trament. L’idée même qu’une résidence d’écriture, donc un lieu d’où doit surgir l’inspiration, puisse à être à ce point inhumain constitue déjà en soi un indice inquiétant. Les relations humaines s’y trouvent réduites à leur plus simple expression dans une atmosphère qui évoque davantage l’ambiance feutrée d’un sanatorium ou d’une clinique que celle d’un havre de paix consacré à la concentration et à la création. Le réalisateur n’essaie d’ailleurs jamais de tricher. D’emblée, il balise cet univers, oppose la voix rauque d’Anna Mouglalis en maîtresse des lieux à celle de Mylène Farmer en IA et nous égare, faute de repères. On ne saura jamais où l’on est, ni surtout quand. Quant au sujet même du film : écrire dans un lieu dédié à cet usage, il n’apparaît que comme le prétexte à une immersion dans l’antichambre de l’enfer, tant rien n’est tout à fait normal dans ce lieu dont les occupants vivent isolés derrière des portes closes, sans pouvoir communiquer les uns avec les autres. Comme dans un asile psychiatrique, en somme. Vision claustrophobique appliquée à la fameuse angoisse de la page blanche sur laquelle le film choisit de ne pas s’appesantir outre mesure. Sans doute parce que l’acte d’écrire reste l’un des plus délicats à montrer au cinéma, sans se contenter de cadrer des mots sur une feuille ou un écran avec un commentaire en voix off. Gozlan ne tombe dans aucun de ces pièges et se tire plutôt honorablement de cet exercice de style qu’on peut qualifier de film d’atmosphère sans craindre de se tromper ou de trahir ses intentions.

Jean-Philippe Guerand






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