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“Par amour” d’Élise Otzenberger



Film français d’Élise Otzenberger (2024), avec Cécile de France, Arthur Igual, Darius Zarrabian, Navid Zarrabian, Antoine Chappey, Victor Estivant, Xiao Han, Élise Atlan, Yannick Hornecker, Albert Atlan, Pascal Franks, Chloé Boutron, Romain Valette, Stephen Lam, Émilie Ruan… 1h30. Sortie le 15 janvier 2025.



Cécile de France et Darius Zarrabian



Le talent des acteurs ne se juge pas qu’à l’aune de leurs prestations, mais aussi à leurs choix. Cécile de France l’a compris qui tourne moins que pas mal de ses contemporaines, mais le plus souvent à bon escient et sans se soumettre à un plan de carrière préétabli. Elle possède en outre une caractéristique commune à pas mal d’artistes belges : l’humilité. À un moment de sa carrière, elle aurait pu prétendre aux plus grands rôles et les enchaîner en espérant que le public la suive et que son succès grandissant lui permette de franchir des barres de plus en plus élevées et de devenir une star, avec tout ce que cela suppose de contraintes et d’obligations. Elle a alors préféré affirmer ses choix en s’en remettant à son seul désir. Sans calcul d’apothicaire. Résultat : une carrière atypique dont chaque nouvelle étape revêt un sens authentique par rapport à la conception exigeante qu’elle se fait de son métier. Il y a un an tout juste, La passagère la jetait en femme de pêcheur dans les bras d’un homme plus jeune qu’elle incarné par Félix Lefebvre. Dans Par amour, elle campe une mère attentive qui voit son fils aîné sujet à des voix mystérieuses et attiré irrésistiblement par l’élément liquide. Au point d’entrer dans son jeu sans poser trop de questions, en acceptant de l’aider à aller au bout de cette attraction irrationnelle, sans vraiment prendre en compte la dangerosité de la situation ni chercher le moins du monde à la contrecarrer ou même à l’expliquer de façon cartésienne. Le titre du film résume d’ailleurs son état d’esprit : elle agit ainsi… par amour. Et même si elle apparaît dépassée par la situation qu’elle a assimilée d’emblée à un jeu d’enfants, elle l’accepte et en respecte les modalités, avec le risque et les conséquences que cela suppose.



Cécile de France et Arthur Igual



Par son goût de l’étrangeté, le deuxième long métrage d’Élise Otzenberger (après Lune de miel dans lequel jouait déjà Arthur Igual en 2018) s’inscrit dans une certaine tendance du cinéma français qui saupoudre à petites touches un quotidien a priori banal d’éléments fantastiques. Comme Just Philippot dans La nuée (2020), cette inconditionnelle de Steven Spielberg et notamment de sa vision de l’enfance, s’appuie sur un léger décalage de la réalité pour glisser progressivement vers une autre dimension, un peu dans l’esprit poétique de La montagne (2022) de Thomas Salvador par son utilisation singulière des éléments, en l’occurrence ici de l’eau. Cette nouvelle école qui se constitue actuellement de façon encore informelle (et non pas informe) de bric et de broc se distingue toutefois de la tradition anglo-saxonne par son refus du spectaculaire et des initiatives sporadiques émanant de francs-tireurs qui progressent sans véritablement se concerter. Il faudra donc sans doute un certain temps pour être pleinement en mesure de coller une étiquette à ce mouvement de fond ou même de jauger de sa détermination et de sa pérennité. L’évolution du cinéma passe aussi désormais par l’abolition de la conception des genres traditionnels pour se laisser irriguer par de minuscules vaisseaux dont la conjonction finit par instaurer une atmosphère singulière. Bizarre, bizarre… vous avez dit bizarre ? C'est bien connu, l’amour a ses raisons que la raison ne connaît pas.

Jean-Philippe Guerand







Darius Zarrabian et Cécile de France

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