Film franco-hispano-belge d’Aurel (2020), avec les voix de Sergi López, Gérard Hernandez, Bruno Solo… 1h14. Sortie le 30 septembre 2020.
Le cinéma d’animation est aujourd’hui multiple et ne se restreint plus qu’au seul public enfantin. En voici une nouvelle démonstration magistrrale sous le trait acéré du dessinateur de presse Aurel qui officie notamment pour Le Monde et Le Canard enchaîné après avoir réalisé des croquis d’audience lors des procès d’assises. Il évoque dans son premier long métrage les fameux camps de concentration pyrénéens où les autorités françaises ont parqué les républicains espagnols chassés par le franquisme, avant d’y entasser d’autres parias de l’État français sous l’Occupation. Le réalisateur a choisi ce cadre sordide pour y raconter l’amitié spontanée d’un brave gendarme avec l’un des détenus du camp de Rivesaltes, dessinateur de son état. Cette histoire édifiante, c’est celle de Josep Bartoli, un artiste catalan d’exception et militant politique convaincu qui réussira à fuir au Mexique, y deviendra l’amant de Frida Kahlo et s’exilera par la suite à New York où il illustrera entre autres le Robinson Crusoë de Daniel Defoe et Les voyages de Gulliver de Jonathan Swift.
Prix à la Diffusion de la Fondation Gan au dernier festival du film d’animation d’Annecy, Josep faisait par ailleurs partie de la fameuse Sélection officielle du festival de Cannes 2020. C’est un film d’une grande noblesse et d’une élégance remarquable. L’une de ces œuvres précieuses dont le propos universel est transposable à peu près partout où la dictature et l’intégrisme asservissent les hommes et tentent de leur intimer le silence. Par son pouvoir visionnaire et son imagination fertile, Josep réussit à s’évader dans sa tête en dépit des barbelés qui l’entourent. Comme tant d’artistes et d’intellectuels opprimés avant et après lui. Le film réussit cette osmose rare entre le fond et la forme. Son esthétique est délibérément austère et dépouillée. Pour ne pas distraire le spectateur par des artifices inutiles et maintenir sa conscience constamment en éveil. Mais cet engagement passe aussi par la qualité de sa représentation où la séduction n’a pas sa place, même si elle opère à notre insu. On retrouve dans ce puissant réquisitoire contre l’intolérance scénarisé par Jean-Louis Milési, un complice de longue date de Robert Guédiguian, un idéalisme qui fait particulièrement chaud au cœur.
Jean-Philippe Guerand
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