Love Trilogy : Stripped Film israélo-allemand de Yaron Shani (2018), avec Laliv Sivan, Bar Gottfried, Elad Shniderman… 2h. Sortie le 23 septembre 2020.
Yaron Shani est un réalisateur qui a de la suite dans les idées et utilise la narration cinématographique comme un véritable laboratoire. Devenu célèbre avec Ajami (2009), œuvre chorale labyrinthique et foisonnante d’une rare maestria qu’il avait signée avec Sandar Copti, il est revenu cet été en solo avec une trilogie de l’amour qui s’attache à quelques êtres confrontés à la solitude et au mal de vivre dans un monde cruel qui les broie et les anonymise. Après Chained et Beloved, sortis à la faveur du déconfinement, Stripped (qui a bizarrement été tourné précédemment aux deux autres opus) s’attache à deux habitants d’un quartier de Tel Aviv que tout semble séparer, mais dont les routes vont finir par se croiser dans des circonstances inattendues. Alice vient de publier un premier roman remarqué. Sa rencontre avec Ziv, un adolescent renfermé et complexé autour duquel cette femme mûre à la mèche bleue souhaite développer un projet de documentaire, va faire basculer leurs existences respectives.
Fidèle à la méthode qui a fait sa réputation, Shani se concentre sur ses protagonistes et les traque au plus près avec sa caméra, comme pour entrer dans leur tête. C’est cet acharnement empathique qui a justifié sa réputation et transforme ses protagonistes en sujets d’études. Non seulement il les suit, mais il s’insinue dans leur intimité, comme s’il s’agissait de sujets d’étude perdus au sein d’une société devenue inhumaine où plus personne ne communique avec personne. D’où son insistance sur les visages et les corps qui habitent son cinéma, de l’érotisme au voyeurisme. Alice et Ziv ont choisi de se réfugier respectivement dans l’écriture et la musique pour se couper de l’extérieur, tout en s’en approchant. Il y a chez ce cinéaste inquisiteur qui excelle à lettre en scène les morceaux de bravoure les plus intimes grâce à une direction d’acteurs brute et sans affèteries qui renvoie aux plus beaux moments d’anthologie de John Cassavetes et Maurice Pialat.
Jean-Philippe Guerand
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