Film américain de Miranda July (2020), avec Evan Rachel Wood, Debra Winger, Gina Rodriguez, Richard Jenkins… 1h44. Sortie le 30 septembre 2020.
Richard Jenkins, , Debra Winger et Evan Rachel Wood
Le cinéma ne semble pas constituer une priorité absolue aux yeux de l’artiste américaine Miranda July qui ne signe avec Kajillionaire que son troisième long métrage en quinze ans, après le très singulier Moi, toi et tous les autres (2005) et le tout aussi décevant The Future (2011) dont elle tenait le rôle principal. À 46 ans, elle s’est trouvée cette fois un double idéal en la personne de la rousse Evan Rachel Wood dans un rôle très physique qui s’exprime moins aisément par le langage que par une élasticité corporelle qui lui permet de se changer, de s’escamoter et de se fondre dans le décor. Celle-ci campe une adulescente sous l’emprise de ses parents (Debra Winger et Richard Jenkins) qui voit ceux-ci s’enticher d’une étrangère de son âge (Gina Rodriguez) et l’intégrer dans leur gang familial avant de perpétrer leur plus gros coup. L’occasion pour elle de devenir enfin adulte en coupant elle-même son cordon ombilical, même si c’est au prix d’un déchirement affectif.
Gina Rodriguez et Evan Rachel Wood
Sous les dehors d’une comédie débridée, Kajillionaire est en fait une méditation nostalgique sur la puissance des liens familiaux et leur impact sur la construction personnelle d’une jeune femme de 26 ans répondant au curieux sobriquet d’Old Dolio dont l’estime de soi se trouve malmenées par un cercle familial qu’on peut raisonnablement qualifier de toxique. Quels parents normalement constitués en viendraient à considérer comme leur seconde fille une inconnue croisée lors d’un cambriolage improvisé ? Miranda July aime jouer avec les conventions pour mieux les dynamiter. C’est ainsi à dessein qu’elle choisit pour mère l’une des rebelles emblématiques du cinéma américain, authentique star qui a osé un jour tourner le dos au star-système hollywoodien et a inspiré à sa consœur Rosanna Arquette un documentaire sur la condition féminine d’ailleurs intitulé… À la recherche de Debra Winger (2002). Kajillionaire confirme l’attirance de Miranda July pour les marginaux, à travers la construction accélérée d’une personnalité contrainte de s’affranchir de sa parentèle. Un sujet somme toute universel dont certains plans hyperréalistes évoquent par leur cadre et leur stylisation la fameuse “ambiance métaphysique” des toiles du peintre Edward Hopper.
Jean-Philippe Guerand
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