Accéder au contenu principal

“Un pays qui se tient sage” de David Dufresne



Documentaire français de David Dufresne (2020) 1h26. Sortie le 30 septembre 2020.




De la révolte des Gilets Jaunes, ces sans-culottes du macronisme, le cinéma n’a pour l’instant fixé que quelques traces dont le documentaire de François Ruffin, J’veux du soleil (2019). Le propos du journaliste David Dufresne est quelque peu différent puisqu’il s’attache à la doctrine du maintien de l’ordre et à son application sur le terrain, en se fondant sur des images prises sur le vif et décryptées par divers spécialistes. Il affleure de cette démonstration une démarche dialectique plutôt rigoureuse qui prouve que chaque geste, et par extension chaque bavure, est la conséquence d’une stratégie globale aujourd’hui considérée comme caduque et d’ailleurs récemment corrigée. La démarche de Dufresne est d’autant plus intéressante qu’elle n’aurait sans doute pas pu faire l’objet d’une diffusion ni même d’une production télévisée. La meilleure preuve en est le refus réitéré de la préfecture de police de laisser des fonctionnaires témoigner devant la caméra. Du coup, certains considèreront Un pays qui se tient sage comme un film à charge… ce qu’il est et qu’il assume sans faux-semblant.




Le principal mérite du travail de Dufresne est de passer au crible les manifestations dans leurs moindres détails, les caméras y étant au moins aussi nombreuses que les barres de fer et les LBD, dans les deux camps. Il montre en effet que la police agit moins comme un groupe organisé et discipliné que comme un rassemblement d’individus parfois livrés à eux-mêmes qui ont la matraque facile et semblent agir à l’insu de leur hiérarchie, face à une meute qui amalgame elle-même un noyau dur de manifestants infiltré de casseurs, anarchistes et autres sauvageons. Le film est à ce titre équilibré puisqu’il montre les dérives de part et d’autre, des exactions personnelles de Benalla au martyre répété des éborgnés victimes de tireurs trop zélés et trop peu encadrés et surtout à l’humiliation de ces lycéens de Mantes-la-Jolie contraints de se mettre à genoux qui donnent son titre à ce film choc promis à un joli succès. En choisissant de s'attacher aux conséquences davantage qu'aux causes (dont Dufresne se garde bien de juger la légitimité), il représente en effet la première alternative crédible à la parole univoque que propagent les médias officiels depuis 2018.
Jean-Philippe Guerand



Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Le paradis des rêves brisés

La confession qui suit est bouleversante… © A Medvedkine Elle est le fait d’une jeune fille de 22 ans, Anna Bosc-Molinaro, qui a travaillé pendant cinq années à différents postes d’accueil à la Cinémathèque Française dont elle était par ailleurs une abonnée assidue. Au-delà de ce lieu mythique de la cinéphilie qui confie certaines tâches à une entreprise de sous-traitance aux méthodes pour le moins discutables, CityOne (http://www.cityone.fr/) -dont une responsable non identifiée s’auto-qualifie fièrement de “petit Mussolini”-, sans nécessairement connaître les dessous répugnants de ses “contrats ponctuels”, cette étudiante éprise de cinéma et idéaliste s’est retrouvée au cœur d’un mauvais film des frères Dardenne, victime de l'horreur économique dans toute sa monstruosité : harcèlement, contrats précaires, horaires variables, intimidation, etc. Ce n’est pas un hasard si sa vidéo est signée Medvedkine, clin d’œil pertinent aux fameux groupes qui signèrent dans la mouva

Bud Spencer (1929-2016) : Le colosse à la barbe fleurie

Bud Spencer © DR     De Dieu pardonne… Moi pas ! (1967) à Petit papa baston (1994), Bud Spencer a tenu auprès de Terence Hill le rôle de complice qu’Oliver Hardy jouait aux côtés de Stan Laurel. À 75 ans et après plus de cent films, l’ex-champion de natation Carlo Pedersoli, colosse bedonnant et affable, était la surprenante révélation d’ En chantant derrière les paravents  (2003) d’Ermanno Olmi, Palme d’or à Cannes pour L’arbre aux sabots . Une expérience faste pour un tournant inattendu au sein d’une carrière jusqu’alors tournée massivement vers la comédie et l’action d’où émergent des films comme On l’appelle Trinita (1970), Deux super-flics (1977), Pair et impair (1978), Salut l’ami, adieu le trésor (1981) et les aventures télévisées d’ Extralarge (1991-1993). Entrevue avec un phénomène du box-office.   Rencontre « Ermanno Olmi a insisté pour que je garde mon pseudonyme, car il évoque pour lui la puissance, la lutte et la violence. En outre, c’était

Jean-Christophe Averty (1928-2017) : Un jazzeur sachant jaser…

Jean-Christophe Averty © DR Né en 1928, Jean-Christophe Averty est élève de l'Institut des Hautes Etudes Cinématographiques (Idhec) avant de partir travailler en tant que banc-titreur pour les Studios Disney de Burbank où il reste deux ans en accumulant une expertise précieuse qu'il saura mettre à profit par la suite. De retour en France, il intègre la RTF en 1952 où il réalisera un demi-millier d'émissions de radio et de télévision dont Les raisins verts (1963-1964) qui assoit sa réputation de frondeur à travers l'image récurrente d'une poupée passé à la moulinette d'un hachoir à viande et pas moins de 1 805 numéros des Cinglés du music-hall (1982-2006) où il exprime sa passion pour la musique, sur France Inter, puis France Culture, lui, l'amateur de jazz à la voix inimitable chez qui les mots semblent se bousculer. Fin lettré et passionné par les images, l’iconoclaste Averty compte parmi les pionniers de la vidéo et se caract