Accéder au contenu principal

Articles

“Cris et chuchotements” de Hai Wen, Jinyan Zeng et Trish McAdam

Hanjiao yu Eryu Documentaire chinois de Hai Wen, Jinyan Zeng et Trish McAdam (2020) 1h41. 39 e Festival international Jean Rouch cinéma et anthropologie C’est de la condition féminine et non du féminisme que parle ce film autoproduit. Sujet tabou s’il en est en Chine où huit années ont été nécessaires pour venir à bout de cette entreprise évidemment clandestine qui s’ouvre sur le portrait d’une femme tondue en train de scarifier méthodiquement son visage, verticalement puis horizontalement, en signe de révolte. Une image saisissante à laquelle fera écho plus tard celle de deux activistes de Hong Kong se livrant à un happening en public, visage masqué. Comme une déclaration de guerre à la société qui l’opprime. Ce dazibao filmé est constitué d’entretiens avec des combattantes de l’intérieur : activistes, leaders syndicales, victimes de harcèlement seuel. Des propos mis en scène graphiquement par l’animateur Tao Hong, comme si ses protagonistes étaient des personnages de bande dessinée

“Les pionniers, les vaches et le capitalisme” de Teboho Edkins

Days of Cannibalism Documentaire franco-sud-africano-hollandais de Teboho Edkins (2020) 1h18. 39 e Festival international Jean Rouch cinéma et anthropologie Il est régulièrement question des visées expansionnistes de la Chine Populaire et notamment de ses tentatives de coloniser le continent africain en y transplantant les méthodes de production qui ont contribué à son hégémonie sur l’Occident. C’est ce phénomène qu’observe Teboho Edkins dans Les pionniers, les vaches et le capitalisme , mise en perspective vertigineuse d’un phénomène sociologique qui pourrait révolutionner l’équilibre planétaire dans une perspective à moyen terme. Sur le terrain, dans la petite ville de Thaba-Tseka au Lesotho, un commerçant chinois fait fructifier sa petite entreprise, sous la protection de gardes armés et a même équipé l’accès à son siège social d’un système de reconnaissance par empreintes digitales. Improbable greffe d’une mondialisation commerciale qui, si elle venait à prendre, mettrait sans d

“Uncle Frank” d’Alan Ball

Film américain d’Alan Ball (2020), avec Paul Bettany, Sophia Lillis, Peter Macdissi, Steve Zahn, Judy Greer… 1h35. Mise en ligne le 25 novembre sur Amazon Prime Video. Paul Bettany et Peter Macdissi Prix du public au dernier festival de Deauville, Uncle Frank s’inspire d’une l’histoire vécue par le propre père d’Alan Ball, oscarisé en l’an 2000 pour le scénario original d’ American Beauty de Sam Mendes.. Celui-ci signe ici son deuxième long métrage en tant que réalisateur après Nothing is Private (2007), inédit en France. Ce film d’apprentissage se déroule en 1973, lorsqu’une étudiante new-yorkaise d’origine provinciale (la prometteuse Sophia Lillis) embarque avec son oncle (Paul Bettany) et l’amant de celui-ci (Peter Macdissi) pour un périple en voiture qui va les mener de Greenwich Village au fin fond de la Caroline du Sud où se déroulent les obsèques du patriarche de leur famille dont ils ont fui plus ou moins consciemment le despotisme toxique d’un autre âge. On retrouve à trave

“Vortex” de Christophe Karabache

Film français de Christophe Karabache (2019), avec Julien Romano, Claudia Fortunato, Joelle Hélary… 1h23. Sortie le 28 octobre 2020. Claudia Fortunato et  Julien Romano Il se passe indéniablement quelque chose dans le domaine du cinéma de genre français. En voici une nouvelle preuve avec Vortex, film gore d’une rare audace, tant par son propos que par sa mise en forme. Sans mauvais jeu de mots, Christophe Karabache apporte du sang neuf à une mythologie dont il importe les codes au cœur de notre patrimoine. Ce réalisateur franco-libanais membre de l’ atelier alternatif de cinéma expérimental (Etna) n’est pas un nouveau venu. Loin de là. Plusieurs de ses opus précédents ont été présentés et même primés dans des festivals internationaux. Trois des récompenses obtenues par Vortex donnent un juste aperçu de la tonalité de son cinéma : le Prix du meilleur film expérimental obtenu au festival international du film d’Europe de l’Est de Varsovie, en Pologne, et au festival international mens

“ADN” de Maïwenn

Film français de Maïwenn (2020), avec Maïwenn, Fanny Ardant, Louis Garrel,  Dylan Robert, Omar Marwan, Caroline Chaniolleau,  Marine Vacth … 1h30. Sortie le 28 octobre 2020. Fanny Ardant, Dylan Robert, Omar Marwan et Caroline Chaniolleau L’œuvre toute entière de Maïwenn ressemble à un cycle de séances de psychanalyse qui ont la suprême élégance de faire du bien aux spectateurs sans qu’on sache toutefois si elles contribuent simultanément à soulager l’actrice-réalisatrice de ses écrasantes névroses familiales. En l’occurrence, dans ADN , la disparition d’un grand-père charismatique venu naguère d’Algérie précipite ses descendants dans une période de doute collectif, malgré une intégration dans la société française qu’on pourrait qualifier de parfaite. Cette absence soudaine du guide spirituel de la tribu suscite des réactions diverses et parfois un questionnement identitaire sinon existentiel. Pour savoir qui on est vraiment, il convient d’établir précisément d’où l’on vient. C’est la q

“Garçon chiffon” de Nicolas Maury

Film français de Nicolas Maury (2020), avec Nicolas Maury, Nathalie Baye, Arnaud Valois, Laure Calamy… 1h50. Sortie le 28 octobre 2020. Nicolas Maury Comédien en mal de reconnaissance, Jérémie voit sa vie imploser lorsque son compagnon lui dit ses quatre vérités et précipite une rupture qui couvait visiblement depuis un certain temps, en raison de sa jalousie maladive. La trentaine l’incitant à dresser un état des lieux peu flatteur de son existence désormais en roue libre, le jeune homme décide de partir se ressourcer chez sa mère, dans le Limousin. Mal lui en prend, car cette immersion dans le giron matriciel réveille d’autres douleurs plus lointaines mais non moins aiguës. À son chagrin d’amour et à ses désillusions sentimentales s’ajoutent le poids de sa jeunesse enfuie et la maladresse de sa mère qui s’obstine à le considérer comme un petit garçon. Ce rôle, Nicolas Maury se l’est réservé, quitte à entretenir un certain malaise par les minauderies étudiées d'un personnage que s

“Une vie secrète” de Jon Garaño, Aitor Arregi et José Mari Goenaga

La Trinchera Infinita Film espagnol de Jon Garaño, Aitor Arregi et José Mari Goenaga (2019), avec Antonio de La Torre, Belén Cuesta, José Manuel Poga… 2h27. Sortie le 28 octobre 2020. Antonio de La Torre et Belén Cuesta Voici une histoire d’autant plus rocambolesque qu’elle est authentique. Dans l’Espagne de 1936 en pleine guerre civile, Higinio, un partisan républicain, doit se dissimuler par tous les moyens lorsque les troupes franquistes s’emparent de son village. Faute de parvenir à s’enfuir pour poursuivre la lutte, il se terre dans sa propre maison en compagnie de son épouse qui réussit à le faire passer pour mort. Un simulacre provisoire qui va toutefois s’éterniser, tandis qu’un voisin particulièrement teigneux refuse de croire à la disparition de son ennemi juré, malgré les années qui passent. Il y a dans cette obstination irrationnelle une folie terrifiante qui défie l’entendement. Comme la haine recuite d’un pays irréconciliable dont l’antagonisme latent fracturera le peupl

“Miss” de Ruben Alves

Film français de Ruben Alves (2019), avec Alexandre Wetter, Pascale Arbillot, Isabelle Nanty… 1h47. Sortie le 21 octobre 2020. Alexandre Wetter Voici un film qui revient de loin. Présenté en janvier dernier en clôture du festival du film de comédie de l’Alpe d’Huez, annoncé le 4 puis le 11 mars, déprogrammé au 23 septembre en raison de la tiédeur des premières réactions de la presse, sous couvert du confinement, puis au 28 octobre, Miss a vu sa sortie avancée in extremis d’une semaine sous l’effet du couvre-feu. Entre-temps, en juillet dernier, l’interprète principal du deuxième film de Ruben Alves (La cage dorée) , Alexandre Wetter, a été couronné pour sa composition du Prix du premier rendez-vous au festival du film de Cabourg, Journées romantiques. Une reconnaissance méritée pour ce comédien subtil qui campe une transsexuelle embarquée dans un concours de miss réservé aux filles. Derrière la comédie de mœurs, affleure en effet un drame psychologique au diapason du trouble identitai

“Michel-Ange” d’Andrei Konchalovsky

Il peccato Film russo-italien d’Andrei Konchalovsky (2019), avec Alberto Testone, Jakob Diehl, Francesco Gaudiello… 2h16. Sortie le 21 octobre 2020. Alberto Testone Pour le commun des mortels, Michel-Ange, c’est cet artiste qui a peint le plafond de la chapelle Sixtine dans des conditions acrobatiques. Une image perpétuée à l’écran par L’extase et l’agonie (1965) de Carol Reed, avec Charlton Heston dans le rôle du démiurge. Rien de tout cela dans le portrait qu’en dresse Andreï Konchalovsky, en décrivant un homme profondément en symbiose avec son époque qui prend le temps de vivre afin de nourrir sa créativité, tandis que deux familles de la noblesse se disputent ses faveurs. Le réalisateur russe a choisi pour camper cette personnalité hors du commun, non pas un boxeur comme il l’avait envisagé, mais un dentiste italien au nez cassé devenu acteur et scénariste, Alberto Testone, qui exprime à la perfection cette flamme dévorante, à travers un regard d’une intensité impressionnante. So

“Petit Vampire” de Joann Sfar

Film français de Joann Sfar (2020), avec les voix de Camille Cottin, Jean-Paul Rouve, Alex Lutz… 1h25. Sortie le 21 octobre 2020. Dessinateur surdoué, Joann Sfar revient à ses premières amours en signant son deuxième film d’animation après Le chat du rabbin (2011) dont il prépare d’ailleurs une nouvelle version. Il s’agit une fois de plus pour lui de porter à l’écran l’un des héros emblématiques de son œuvre graphique, Petit Vampire. Un personnage sous l’influence de ses grands aînés, qu’il s’agisse du bestiaire fantastique d’Universal des années 30 ou des productions usinées par la mythique Hammer trois décennies plus tard. Bref, un monstre en devenir qui n’a pas vraiment l’intention de subir ce sort qu’il n’a pas choisi et de se retrouver au ban d’une société qu’il semble condamné à hanter jusqu’à la fin des temps. Parce que chez ces gens-là, la mort n’est pas vraiment une option. Joann Sfar tord le cou à ces clichés éculés et s’attache à un gamin aux dents longues que son sort de s