Film français de Christophe Karabache (2019), avec Julien Romano, Claudia Fortunato, Joelle Hélary… 1h23. Sortie le 28 octobre 2020.
Claudia Fortunato et Julien Romano
Il se passe indéniablement quelque chose dans le domaine du cinéma de genre français. En voici une nouvelle preuve avec Vortex, film gore d’une rare audace, tant par son propos que par sa mise en forme. Sans mauvais jeu de mots, Christophe Karabache apporte du sang neuf à une mythologie dont il importe les codes au cœur de notre patrimoine. Ce réalisateur franco-libanais membre de l’atelier alternatif de cinéma expérimental (Etna) n’est pas un nouveau venu. Loin de là. Plusieurs de ses opus précédents ont été présentés et même primés dans des festivals internationaux. Trois des récompenses obtenues par Vortex donnent un juste aperçu de la tonalité de son cinéma : le Prix du meilleur film expérimental obtenu au festival international du film d’Europe de l’Est de Varsovie, en Pologne, et au festival international mensuel du film Eurasia de Moscou, en Russie, ainsi que le Prix du meilleur film post-moderne qui lui a été décerné au festival international du film culte de Calcutta, en Inde. C'est dire combien ce cinéaste œuvre dans la marge et se situe hors du système traditionnel dont il pervertit les codes.
Vortex est un film d’une audace étonnante qui orchestre la rencontre de deux mondes a priori étrangers l’un à l’autre. Un tueur philosophe et une sorcière bretonne qui fait corps avec la lande et le granit. Deux êtres marginaux mais complémentaires : l’un ôte la vie, l’autre la régénère… en usant de ses menstruations comme engrais. La réussite du film est d’orchestrer la fusion de ces deux solitudes avec une audace visuelle très réussie. Le mérite en revient à une mise en scène inventive qui transcende un scénario si singulier qu’aucun comité de lecture institutionnel ne lui aurait sans doute accordé ses subsides. Comme dans la plus noire des tragédies grecques, l'homme commet l'inceste avec ses deux parents… mais à leur insu. L’efficacité de ce film repose aussi sur le caractère résolument atypique de ses interprètes, qu’il s’agisse de la composition toute en soliloques poético-anarchistes de l’inquiétant Julien Romano ou de la sensualité ravageuse de Claudia Fortunato, déjà à l’affiche du film précédent du cinéaste, le non moins étrange thriller UltravoKal (2019). Karabache a le mérite d’aller au bout de son propos dans une démarche radicale qui mérite qu’on y prête une attention particulière. L’audace de Vortex est précieuse. Pas sûr qu’elle comble les féministes, même si c’est une femme fatale (à tous les sens du terme) qui en tire les ficelles.
Jean-Philippe Guerand
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