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“Une vie secrète” de Jon Garaño, Aitor Arregi et José Mari Goenaga



La Trinchera Infinita Film espagnol de Jon Garaño, Aitor Arregi et José Mari Goenaga (2019), avec Antonio de La Torre, Belén Cuesta, José Manuel Poga… 2h27. Sortie le 28 octobre 2020.




Antonio de La Torre et Belén Cuesta


Voici une histoire d’autant plus rocambolesque qu’elle est authentique. Dans l’Espagne de 1936 en pleine guerre civile, Higinio, un partisan républicain, doit se dissimuler par tous les moyens lorsque les troupes franquistes s’emparent de son village. Faute de parvenir à s’enfuir pour poursuivre la lutte, il se terre dans sa propre maison en compagnie de son épouse qui réussit à le faire passer pour mort. Un simulacre provisoire qui va toutefois s’éterniser, tandis qu’un voisin particulièrement teigneux refuse de croire à la disparition de son ennemi juré, malgré les années qui passent. Il y a dans cette obstination irrationnelle une folie terrifiante qui défie l’entendement. Comme la haine recuite d’un pays irréconciliable dont l’antagonisme latent fracturera le peuple sans que ses plaies parviennent à cicatriser.



Antonio de La Torre


Une vie secrète lève le voile sur un épisode méconnu de l’histoire récente de l’Espagne, en rendant justice à ces opposants condamnés à l’oubli qui n’ont pu émerger de la clandestinité qu’au bout de quatre décennies, à la mort du général Franco, en 1975, après trente-six ans d’un règne sans pitié. Une existence qui s’est résumée à une interminable attente qu’aucun auteur de fiction n’aurait pu imaginer et qui a peu à peu éclairci les rangs de ces résistants condamnés à l'oubli dont certains n'ont fait que rejoindre discrètement des sépultures aux dates mensongères. Il souffle sur cette fresque intimiste quelque chose de l’esprit du Désert des tartares de Dino Buzzati : une détermination conditionnée par une foi inébranlable. Ce film fleuve réussit à rendre palpitant cet espoir ténu. Il doit beaucoup à la composition impressionnante de l’acteur Antonio de La Torre, vu récemment dans La isla minima et El Reino, et à la fidélité discrète de sa partenaire Belén Cuesta, justement récompensée d’un Goya pour sa prestation toute en retenue. Malgré sa durée, cette chronique de l’attente composée de lambeaux de réalité minuscules réussit la prouesse de rester palpitante de bout en bout.

Jean-Philippe Guerand




Antonio de La Torre et Belén Cuesta


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