Days of Cannibalism Documentaire franco-sud-africano-hollandais de Teboho Edkins (2020) 1h18.
39e Festival international Jean Rouch cinéma et anthropologie
Il est régulièrement question des visées expansionnistes de la Chine Populaire et notamment de ses tentatives de coloniser le continent africain en y transplantant les méthodes de production qui ont contribué à son hégémonie sur l’Occident. C’est ce phénomène qu’observe Teboho Edkins dans Les pionniers, les vaches et le capitalisme, mise en perspective vertigineuse d’un phénomène sociologique qui pourrait révolutionner l’équilibre planétaire dans une perspective à moyen terme. Sur le terrain, dans la petite ville de Thaba-Tseka au Lesotho, un commerçant chinois fait fructifier sa petite entreprise, sous la protection de gardes armés et a même équipé l’accès à son siège social d’un système de reconnaissance par empreintes digitales. Improbable greffe d’une mondialisation commerciale qui, si elle venait à prendre, mettrait sans doute un coup d’arrêt à l’émigration de la jeunesse africaine vers l’eldorado européen en rebattant les cartes de l’économie mondiale au profit de la Chine toute puissante. Sur cette terre désolée où règnent depuis des siècles les éleveurs de troupeaux, le progrès se remblaie à grands renforts d’excavatrices. Reste à faire évoluer des mentalités façonnées par les siècles. Et c’est là que le bât blesse, tant le fossé culturel est profond entre ces deux mondes résolument incompatibles.
Teboho Edkins observe avec attention cette nouvelle colonisation et ses conséquences sur l’équilibre d’une société africaine archaïque, lorsque deux hommes illettrés passent en jugement pour avoir volé quinze vaches et avoir vendu ce trésor national de l’autre côté de la frontière, à un homme d’affaire qui les a sacrifiées à l’occasion d’une fête en toute impunité. Seuls contre une justice expéditive, ils invoquent le chômage et la misère. Sidérant instantané d’une situation ubuesque dont les maîtres du jeu sont des hommes qui ont laissé femme et enfants en Chine pour se faire une place au soleil sur cette terre de misère où ils en sont arrivés à se réjouir de n’avoir aucune tentation pour les distraire de leur mission de conquérants, hormis des parties de billard dans l’arrière-boutique ou quelques soirées karaoké. Bref, ils ont le bonheur pour le moins étriqué. Ailleurs, des autochtones chantent leur oppression dans leur dialecte, en s’accompagnant à l’accordéon. Avec à la clé un racisme et une violence qui montent, comme l’attestent les images brutes d’une attaque à main armée filmée par une caméra de surveillance, sous le regard d’une petite fille hébétée. Bienvenue en absurdie !
Jean-Philippe Guerand
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