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“Garçon chiffon” de Nicolas Maury


Film français de Nicolas Maury (2020), avec Nicolas Maury, Nathalie Baye, Arnaud Valois, Laure Calamy… 1h50. Sortie le 28 octobre 2020.



Nicolas Maury


Comédien en mal de reconnaissance, Jérémie voit sa vie imploser lorsque son compagnon lui dit ses quatre vérités et précipite une rupture qui couvait visiblement depuis un certain temps, en raison de sa jalousie maladive. La trentaine l’incitant à dresser un état des lieux peu flatteur de son existence désormais en roue libre, le jeune homme décide de partir se ressourcer chez sa mère, dans le Limousin. Mal lui en prend, car cette immersion dans le giron matriciel réveille d’autres douleurs plus lointaines mais non moins aiguës. À son chagrin d’amour et à ses désillusions sentimentales s’ajoutent le poids de sa jeunesse enfuie et la maladresse de sa mère qui s’obstine à le considérer comme un petit garçon. Ce rôle, Nicolas Maury se l’est réservé, quitte à entretenir un certain malaise par les minauderies étudiées d'un personnage que son interprète assume avec un certain masochisme. Il brise ainsi la distance qu’il pourrait créer avec le spectateur, projeté malgré lui au cœur d’une intimité parfois dépourvue de pudeur.



Nicolas Maury


En s’investissant à la fois devant et derrière la caméra, l’acteur-réalisateur joue avec un exhibitionnisme à double tranchant. D’entrée de jeu, il nous prend à témoin de son mal-être, sans pour autant céder à la complaisance dans sa façon de mettre en scène et d’interpréter ce nombriliste narcissique qui s’avère tour à tour irritant, minaudant, larmoyant sinon geignard. Affleure de cet autoportrait sincère mais parfois voyeuriste une fascination pathologique pour la souffrance qui apparaît aussi exaspérante que touchante. À trop charger la barque de sa mélancolie, le directeur d'acteurs Nicolas Maury se montre particulièrement généreux à l'égard de ses partenaires, à commencer par Nathalie Baye en mère castratrice trop heureuse du retour du fils prodigue, Arnaud Valois en objet inaccessible de son amour fantasmatique et même Laure Calamy, sa complice dans la série Dix pour cent, qui apparaît le temps d’une scène d’anthologie. Bref, voici un premier film qui réussit à séduire par sa sincérité autant qu’il peut rebuter par certains excès de complaisance. C’est sans doute le prix de la vérité.

Jean-Philippe Guerand




Arnaud Valois et Nicolas Maury

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