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Articles

"A Dark, Dark Man" d’Adilkhan Yerzhanov

Film kazakho-français d’Adilkhan Yerzhanov (2019), avec Daniar Ashinov, Dinara Baktybaeva, Teoman Khos… 1h50. Sortie le 14 octobre 2020. Daniar Ashinov Un policier désabusé par la corruption généralisée est chargé d’étouffer une sombre affaire de pédophilie au fin fond de la steppe kazakhe, lorsque ses certitudes sont mises à mal par une journaliste inquisitrice nullement décidée à tolérer ces compromissions. Il y a tout juste deux ans, La tendre indifférence du monde révélait en Adilkhan Yerzhanov un trentenaire prometteur qui se démarquait par son ton pince-sans-rire et sa verve des quelques réalisateurs d’Asie centrale à s’être frayé un chemin jusqu’aux plus grands festivals internationaux en exaltant des traditions séculaires et des paysages exotiques. On retrouve ce même esprit narquois dans A Dark, Dark Man (son septième long métrage !) qui aurait plutôt tendance à s’inscrire dans la veine d’un genre universel, le film noir, en lui appliquant un traitement de choc. Chaque plan

“Le soleil reviendra” de Cheyenne Carron

Film français de Cheyenne Carron (2019), avec Florence Eugene, Morgane Housset, Sabrina Verrier… 2h. Sortie le 7 octobre 2020. Cheyenne Carron est une franc-tireuse du cinéma français qui réussit à tourner à un rythme de métronome. Tout à la fois scénariste, réalisatrice et productrice, et même à l’occasion distributrice, elle avance sans se retourner au sein d’un milieu pourtant extrêmement codifié. Inconnue du grand public, elle avait annoncé vouloir mettre un terme à sa carrière à l’issue de son film précédent, Le fils d’un roi , sorti seulement le 26 février dernier. Son amour du cinéma semble avoir été le plus fort. Le soleil reviendra est son douzième long métrage depuis 2005, ce qui témoigne d’une détermination peu commune dans un cinéma français dont les structures de financement et les impératifs promotionnels ont considérablement ralenti le rendement au cours des deux dernières décennies. Comme Jean-Pierre Mocky, un autre outsider, ou avant lui Raoul Ruiz, Cheyenne Carron n’

“Maternal” de Maura Delpero

Film italo-argentin de Maura Delpero (2019), avec Lidiya Liberman, Denise Carrizo, Agustina Malale… 1h29. Sortie le 7 octobre 2020. Dans un foyer pour mères adolescentes de Buenos-Aires, une jeune novice italienne sur le point de prononcer ses vœux est confrontée à une réalité violente au contact de femmes de son âge dont tout semble la séparer, certaines soumises, d’autres plus rebelles. Pour son premier film de fiction, la réalisatrice Maura Delpero confronte deux mondes que le cinéma nous a habitués à évoquer séparément autour du thème de la sororité qu’elle a elle-même abordé dans plusieurs documentaires. En l’occurrence ici celui des filles-mères livrées à elles-mêmes et mises au ban d’une société qui perpétue une longue tradition catholique et celui de ces jeunes femmes qui décident d’entrer dans les ordres et de se retirer ainsi du monde pour se consacrer aux déshérité(e)s. Le choc de ces deux univers s’avère ici plutôt subtil et passe par un casting impeccable des trois actrice

“Yalda, la nuit du pardon” de Massoud Bakhshi

Yalda Film irano-franco-germano-suisso-luxembourgeois de Massoud Bakhshi (2019), avec Sadaf Asgari, Behnaz Jafari, Babak Karimi… 1h29. Sortie le 7 octobre 2020. Le cinéma iranien nous a habitués à des chroniques sociales tournées parfois clandestinement dans lesquelles s’expriment les aspirations d’un peuple dont les réalisateurs doivent rivaliser d’audace et d’inventivité pour échapper à une censure impitoyable. Massoud Bakhshi signe son deuxième long métrage de fiction après Une famille respectable , révélé lors de la Quinzaine des réalisateurs en 2012. Passé par la critique et le documentaire, il s’inspire dans Yalda, la nuit du pardon d’une émission de téléréalité existante qui fonctionne comme une sorte de jeu de la vérité et tente de résoudre médiatiquement des faits divers délicats. En l’occurrence, dans le film, une affaire criminelle dans laquelle une jeune femme confrontée à la mort accidentelle de son mari beaucoup plus âgé dont la propre fille l’accuse. La structure de Ya

“Lupin III : The First” de Takashi Yamazaki

Rupan sansei : The First Film japonais de Takashi Yamazaki (2019), avec les voix de Maxime Donnay, Adeline Chetail, Rémi Barbier… 1h33. Sortie le 7 octobre 2020. De deux choses l’une : soit vous êtes amateur de mangas et vous êtes familier de l’œuvre culte du regretté Monkey Punch qui a déjà inspiré plus d’une trentaine de films en 2D, soit vous êtes un profane pour qui le nom de Lupin évoque spontanément le célèbre héros de Maurice Leblanc. Lupin III est présenté comme le petit-fils du fameux gentleman cambrioleur. Cet aventurier qui défraie la chronique parisienne a sur son aïeul l’avantage d’avoir réussi à mettre la main sur le journal d’un certain Bresson (un hommage au cinéaste ?) qui recèle le sésame d’une véritable caverne d’Ali Baba d’outre-tombe. Une fois n’est pas coutume, il est sans doute préférable de voir ce film dans sa version française que dans sa v.o. japonaise, ses principaux protagonistes s’exprimant d'autant plus naturellement dans la langue de Molière qu'

“Parents d’élèves” de Noémie Saglio

Film français de Noémie Saglio (2020), avec Vincent Dedienne, Camélia Jordana, Samir Guesmi, Oscar Pauleau… 1h29. Sortie le 7 octobre 2020. Oscar Pauleau et Vincent Dedienne Chargé de garder un gamin qui souffre d’avoir grandi sans père, un baby-sitter succombe au charme de son institutrice en se faisant passer pour celui qu’il n’est pas. Son emploi du temps lui en laissant le loisir, il se fait malgré lui une place au soleil parmi les parents d’élèves… C’est la première fois de sa jeune carrière cinématographique que le fantaisiste Vincent Dedienne trouve un rôle dans lequel on le sent parfaitement à son aise. Il excelle sur le registre de la maladresse bien tempérée, tout en s’imposant par sa séduction naturelle. Face à lui, Camélia Jordana joue sur son atout charme habituel. Rompue à l’art de la comédie qu’elle pratique avec une belle détermination depuis ses débuts, après Toute première fois (2015) qu’elle a coréalisé avec Maxime Govare, Noémie Saglio a signé Connasse, princesse d

“Kajillionaire” de Miranda July

Film américain de Miranda July (2020), avec Evan Rachel Wood, Debra Winger, Gina Rodriguez, Richard Jenkins… 1h44. Sortie le 30 septembre 2020. Richard Jenkins,  , Debra Winger et  Evan Rachel Wood Le cinéma ne semble pas constituer une priorité absolue aux yeux de l’artiste américaine Miranda July qui ne signe avec Kajillionaire que son troisième long métrage en quinze ans, après le très singulier Moi, toi et tous les autres (2005) et le tout aussi décevant The Future (2011) dont elle tenait le rôle principal. À 46 ans, elle s’est trouvée cette fois un double idéal en la personne de la rousse Evan Rachel Wood dans un rôle très physique qui s’exprime moins aisément par le langage que par une élasticité corporelle qui lui permet de se changer, de s’escamoter et de se fondre dans le décor. Celle-ci campe une adulescente sous l’emprise de ses parents (Debra Winger et Richard Jenkins) qui voit ceux-ci s’enticher d’une étrangère de son âge (Gina Rodriguez) et l’intégr

“Un pays qui se tient sage” de David Dufresne

Documentaire français de David Dufresne (2020) 1h26. Sortie le 30 septembre 2020. De la révolte des Gilets Jaunes, ces sans-culottes du macronisme, le cinéma n’a pour l’instant fixé que quelques traces dont le documentaire de François Ruffin, J’veux du soleil (2019). Le propos du journaliste David Dufresne est quelque peu différent puisqu’il s’attache à la doctrine du maintien de l’ordre et à son application sur le terrain, en se fondant sur des images prises sur le vif et décryptées par divers spécialistes. Il affleure de cette démonstration une démarche dialectique plutôt rigoureuse qui prouve que chaque geste, et par extension chaque bavure, est la conséquence d’une stratégie globale aujourd’hui considérée comme caduque et d’ailleurs récemment corrigée. La démarche de Dufresne est d’autant plus intéressante qu’elle n’aurait sans doute pas pu faire l’objet d’une diffusion ni même d’une production télévisée. La meilleure preuve en est le refus réitéré de la préfec

“À cœur battant” de Keren Ben Rafael

The End of Love Film franco-israélien de Keren Ben Rafael (2019), avec Judith Chemla, Arieh Worthalter, Noémie Lvovsky… 1h30. Sortie le 30 septembre 2020. Judith Chemla Voici l’un de ces films dont l’intrigue conditionne un dispositif narratif qui confine au défi. Le point de départ en est élémentaire : Julie est française, Yuval israélien. Obligé de repartir dans son pays pour refaire ses papiers, ce dernier se trouve contraint de dialoguer avec son épouse et leur fils par écrans interposés, alors même que son séjour se prolonge pour des raisons administratives indépendantes de sa volonté. L’éloignement attise le désir autant qu’il exacerbe le moindre fait anodin. Keren Ben Rafael exploite habilement les ressources des moyens de communication modernes que sont Skype et autres Facetime. Elle pointe au passage l’intrusion dans notre intimité de toutes ces caméras miniaturisées qui abolissent les tabous et incitent l’individu à se donner constamment en spectacle, y co

“Josep” d’Aurel

Film franco-hispano-belge d’Aurel (2020), avec les voix de Sergi L ó pez, Gérard Hernandez, Bruno Solo… 1h14. Sortie le 30 septembre 2020. Le cinéma d’animation est aujourd’hui multiple et ne se restreint plus qu’au seul public enfantin. En voici une nouvelle démonstration magistrrale sous le trait acéré du dessinateur de presse Aurel qui officie notamment pour Le Monde et Le Canard enchaîné après avoir réalisé des croquis d’audience lors des procès d’assises. Il évoque dans son premier long métrage les fameux camps de concentration pyrénéens où les autorités françaises ont parqué les républicains espagnols chassés par le franquisme, avant d’y entasser d’autres parias de l’État français sous l’Occupation. Le réalisateur a choisi ce cadre sordide pour y raconter l’amitié spontanée d’un brave gendarme avec l’un des détenus du camp de Rivesaltes, dessinateur de son état. Cette histoire édifiante, c’est celle de Josep Bartoli, un artiste catalan d’exception et militant