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“Le soleil reviendra” de Cheyenne Carron




Film français de Cheyenne Carron (2019), avec Florence Eugene, Morgane Housset, Sabrina Verrier… 2h. Sortie le 7 octobre 2020.






Cheyenne Carron est une franc-tireuse du cinéma français qui réussit à tourner à un rythme de métronome. Tout à la fois scénariste, réalisatrice et productrice, et même à l’occasion distributrice, elle avance sans se retourner au sein d’un milieu pourtant extrêmement codifié. Inconnue du grand public, elle avait annoncé vouloir mettre un terme à sa carrière à l’issue de son film précédent, Le fils d’un roi, sorti seulement le 26 février dernier. Son amour du cinéma semble avoir été le plus fort. Le soleil reviendra est son douzième long métrage depuis 2005, ce qui témoigne d’une détermination peu commune dans un cinéma français dont les structures de financement et les impératifs promotionnels ont considérablement ralenti le rendement au cours des deux dernières décennies. Comme Jean-Pierre Mocky, un autre outsider, ou avant lui Raoul Ruiz, Cheyenne Carron n’a cure du système, mais réussit à s’en accommoder pour filmer des histoires simples dans lesquelles elle accorde la primauté aux sentiments.





Le soleil reviendra est un hommage appuyé à ces femmes qui vivent dans l’ombre de leurs compagnons, militaires engagés sur des fronts lointains d’où personne ne sait s’ils réussiront à revenir. Comme souvent dans ses films, elle s’attache à des personnages qu’on pourrait considérer d’un autre âge, qu’ils soient habités par leur foi, leurs responsabilités ou leur devoir. L’intérêt qu’on porte à l’épouse exemplaire de ce film à thèse tient pour beaucoup à la personnalité de son interprète, la lumineuse Florence Eugene, que la réalisatrice dirige dans la retenue et la pudeur, sans jamais miser abusivement sur sa beauté pourtant impressionnante. Malgré une logorrhée parfois un peu envahissante, ce tableau de mœur tout en retenue a l’audace d’assumer sa posture à contre-courant du discours dominant sur la guerre et le patriotisme qui caractérise le cinéma français, à l’exception notable du combattant qu’était Pierre Schoendoerffer. Avec un regard féminin en plus.

Jean-Philippe Guerand






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