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“Louise Violet” d’Éric Besnard



Film franco-belge d’Éric Besnard (2024), avec Alexandra Lamy, Grégory Gadebois, Jérôme Kircher, Ernest Mourier, Jérémy Lopez, Patrick Pineau, Annie Mercier, Manon Maindivide, Julie Moulier, Géraldine Martineau, Grégoire Tachnakian, Pauline Serieys… 1h48. Sortie le 6 novembre 2024.



Alexandra Lamy



Au moment où le système éducatif malmené de toutes parts inspire à jet continu des comédies, des tragédies en fiction comme en documentaire, Éric Besnard a choisi d’accomplir un bond en arrière. Non pas pour nous plonger au cœur de la fameuse instruction laïque et obligatoire chère à Jules Ferry, mais encore plus loin dans l’histoire de la République française, en 1889. À cette époque où les instituteurs battaient la campagne pour convaincre les paysans et les ouvriers de laisser leurs enfants d’aller étudier afin de leur assurer un meilleur avenir. Affectée dans un village isolé du monde, Louise Violet se heurte à un problème majeur : avoir des élèves à qui enseigner les fameuses humanités. La première partie de sa mission pédagogique est donc la plus ardue car elle consiste à s’intégrer parmi une communauté au mieux indifférente, au pire hostile, qui fait travailler sa progéniture aux champs, à l’atelier ou à l’usine pour améliorer le train de vie familial en perpétuant une tradition séculaire, sans même imaginer que la promotion sociale constitue une éventualité sérieuse. Alexandra Lamy trouve dans ce rôle humaniste un personnage qui lui convient idéalement. Et même si l’on a toujours une bonne longueur d’avance sur le scénario, les zones d’ombre de sa personnalité apportent un supplément d’âme à ce tableau de mœurs dont les enjeux sont posés dès la première image. Il est en outre utile de rappeler au spectateur d’aujourd’hui d’où nous venons et combien le combat des fameux hussards de la République a été âpre et vertueux pour convaincre les adultes de laisser leurs enfants étudier, en un temps où l’école n’était pas encore obligatoire et où ses bienfaits ne se faisaient ressentir que dans les plus hautes sphères de la société et dans les grandes villes.



Alexandra Lamy



Louise Violet décrit le processus qui consiste alors pour les enseignants à essayer de convaincre la population de l’opportunité que constituent les études pour conjurer le déterminisme social et permettre aux plus modestes d’accéder à l’éducation et à la connaissance en échappant à leur condition pour bénéficier d’une vie meilleure. On réalise à cette occasion combien cette mission reposait sur la bonne volonté des enseignants et leur capacité à mobiliser des populations méfiantes sinon hostiles à cette irruption de l’État dans leur quotidien. C’est ce qui fait toute la différence entre le film d’Éric Besnard et un classique comme L’école buissonnière (1949) de Jean-Paul Le Chanois consacré à la méthode Freynet donc à la pédagogie proprement dite dans un contexte également rural. Le réalisateur des Choses simples confirme son goût pour les niches inexplorées de notre histoire et sa foi intangible dans la transmission en tant que philosophie existentielle. Il prend soin par ailleurs de doter son enseignante d’un supplément de détermination que justifie un passé douloureux sinon inavouable qu’elle cherche aussi à exorciser en aidant une nouvelle génération à échapper à sa condition par le savoir et l’éducation. Le réalisateur trouve en outre un allié de choix en celui qui est devenu son acteur fétiche depuis Délicieux (2021) : Grégory Gadebois, ici en père taiseux d’un gamin tenté par l’école. Jamais manichéen ni réducteur, ce film à la tonalité résolument populaire revient sur un acquis fondamental dont on mesure combien il a été ardu à conquérir. C’est en outre un bel hommage aux enseignants qui perpétuent ce dévouement. Parfois même au risque de leur vie…

Jean-Philippe Guerand






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