Film franco-belge d’Éric Besnard (2019), avec Grégory Gadebois, Isabelle Carré, Benjamin Lavernhe, Guillaume de Tonquédec, Christian Bouillette, Lorenzo Lefebvre, Marie-Julie Baup, Laurent Bateau… 1h53. Sortie le 8 septembre 2021.
Dans son avant-dernier film, Le goût des merveilles (2015), passé injustement inaperçu, Éric Besnard célébrait la douceur de vivre provençale à travers la rencontre d’une arboricultrice et d’un autiste. Il confie dans Délicieux à l’interprète de ce rôle, Benjamin Lavernhe, un emploi très différent : celui du duc de Chamfort, un noble du XVIIIe siècle qui se pique de gastronomie et voit le cuisinier qu’il a limogé ouvrir ce qui deviendra le premier restaurant, alors même que retentissent les premiers échos de la Révolution Française. On le sait depuis La kermesse héroïque (1935) de Jacques Feyder, Tom Jones (1963) de Tony Richardson, La grande bouffe (1973) de Marco Ferreri, Le festin de Babette (1987) de Gabriel Axel et Vatel (2000) de Roland Joffé, la bonne chère est éminemment cinégénique. Délicieux s’appuie sur cette constatation pour nous raconter une histoire singulière mitonnée par son réalisateur avec la complicité d’un de ses confrères qui nous a habitué à des thématiques moins légères, Nicolas Boukhrief.
Soutenu par un propos original, dont on ne peut que s’étonner qu’il n’ait intéressé aucun cinéaste jusqu’à présent, ce conte de fées profondément ancré dans notre patrimoine puise sa source dans des ouvrages historiques, avec toutes les licences romanesques que cela suppose, Éric Besnard s’appuie sur en outre sur un casting extrêmement solide. Outre l’excellent Benjamin Lavernhe de la Comédie Française en aristocrate qu’on sent aux abois à l’approche de cette fatale nuit du 4 août qui abolira les privilèges, face à un Guillaume de Tonquédec matois comme jamais, il associe deux acteurs de composition particulièrement raffinés en la personne de Grégory Gadebois et Isabelle Carré dont le contraste morphologique constitue un atout indéniable. Délicieux exalte l’art de vivre à la française, en faisant sortir la gastronomie des châteaux et en la transformant en un objet de convivialité partagée. Ce film à l’hédonisme revendiqué ne demande qu’à se laisser déguster et décrit en miniature la révolte d’un peuple contre ses élites dominantes, à travers l’accession à un plaisir jusque-là réservé à des privilégiés qui en usaient et en abusaient. En filigrane de cette vibrante célébration des plaisirs de la vie, affleure un discours politique corollaire dont la modernité n’a besoin d’aucun anachronisme pour être saisissante.
Jean-Philippe Guerand
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