Film français d’Éric Besnard (2022), avec Lambert Wilson, Grégory Gadebois, Marie Gillain, Betty Pierucci Berthoud, Magali Bonat, Antoine Gouy, Amandine Longeac… 1h35. Sortie le 22 février 2023.
Lambert Wilson
Un playboy parisien tombe en panne en pleine montagne où un autochtone pour le moins bourru vient à sa rescousse. La communication s’avère toutefois problématique entre l’ermite des alpages et ce visiteur envahissant dont il s’avère qu’il n’a pas abouti par hasard dans ce lieu coupé du monde… Il y a déjà une bonne dizaine d’années qu’Éric Besnard s’acharne à filmer à contre-courant des modes en exaltant des valeurs éternelles vers lesquelles la société contemporaine a de plus en plus volontiers tendance à se réfugier. Une tendance dont Les choses simples résume aujourd’hui la teneur à travers la confrontation de deux univers ou plutôt de deux conceptions de l’existence antagonistes et pas aisément conciliables. Il choisit pour cela de réunir deux acteurs rompus aux rôles de composition : Lambert Wilson en dandy précieux pétri de bonnes intentions qui semble s’ébaubir de la moindre merveille de la nature à la façon de Bouvard et Pécuchet, et Grégory Gadebois (à qui Besnard avait confié un rôle de cuisinier dans son opus précédent, Délicieux) en misanthrope bourru qui a choisi de vivre en marge de la société pour retrouver le fameux goût des “choses simples”. Deux inconnus pas si étrangers que cela l’un de l’autre qui vont apprendre à se découvrir et à s’apprécier dans un cadre champêtre propice à l’isolement et à la méditation. Entre le rat des villes et le rat des champs va s’établir une complicité d’autant plus inattendue qu’elle s’inscrit en fait dans le cadre d’une stratégie tout ce qu’il y a de plus calculée de la part de l’entrepreneur envahissant.
Lambert Wilson et Grégory Gadebois
Les choses simples s’inscrit dans la continuité d’un film précédent de son auteur : l’injustement méconnu Le goût des merveilles (2015) dans lequel un innocent surgi de nulle part venait bouleverser l’existence d’une mère de famille criblée de dettes. Il y était déjà question de la confrontation de deux univers, avec pour enjeu fondamental une philosophie de la vie basée sur l’opposition contemporaine entre l’hédonisme et la course au profit. Un fil rouge qu’on retrouve aujourd’hui à travers la personnalité que campe Grégory Gadebois, homme secret qui s’est retiré du monde et est prêt à se battre pour préserver sa quiétude, quitte à forcer sa nature sur le registre de l’ours mal léché. Avec face à lui son exact opposé qui sied à la classe tout risque de Lambert Wilson, ce dandy volubile prêt à tout pour séduire son hôte et s’acquitter de la mission impossible qu’il s’est assigné. Le scénario chemine à son rythme sur un fil très étroit mais réussit la prouesse de parvenir à sa destination sans s’égarer ou multiplier les digressions artificielles. Un tour de force qui repose pour une bonne part sur le charisme de ses interprètes. Il émane de leur confrontation une intensité inattendue qui dépasse allègrement les seuls enjeux de l’intrigue. De la rencontre de ces deux natures hors du commun et d’un script dénué de fioritures naît une émotion inattendue qui trouve des échos dans certaines questions qui agitent notre société autour de la problématique fondamentale du bonheur de vivre loin du bruit et de la fureur. Or, c’est précisément là que ce niche le supplément d’âme de cette comédie plus profonde qu’il ne pourrait y paraître de prime abord.
Jean-Philippe Guerand
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