Film français de Matthieu Delaporte et Alexandre de La Patellière (2024), avec Pierre Niney, Bastien Bouillon, Anaïs Demoustier, Anamaria Vartolomei, Laurent Lafitte, Pierfrancesco Favino, Patrick Mille, Vassili Schneider, Julien de Saint Jean, Julie de Bona, Adèle Simphal, Stéphane Varupenne, Oscar Lesage, Marie Narbonne, Bruno Rafaelli, Abdé Maziane… 2h58. Sortie le 28 juin 2024.
Bastien Bouillon, Anaïs Demoustier et Pierre Niney
L’histoire, on la connaît. C’est celle d’Edmond Dantès, un homme arrêté pendant son mariage et emprisonné au Château d’If jusqu’à ce que mort s’ensuive et qui reviendra se venger sous l’identité énigmatique du fameux comte de Monte-Cristo. Un roman d’Alexandre Dumas souvent porté à l’écran et revisité cette fois par les scénaristes des Trois mousquetaires de Martin Bourboulon qui en assurent eux-mêmes la mise en scène avec un panache indéniable. Cette mécanique de précision repose sur des rouages suffisamment bien huilés pour éviter les temps morts. Au point que l’abondance de personnages qui pourrait constituer un obstacle à la fluidité du récit (les lecteurs du XIXe siècle raffolaient des romans feuilletons) devient ici un carburant sans cesse renouvelé que Matthieu Delaporte et Alexandre de La Patellière ont utilisé à leur avantage. Au point de réussir la prouesse insigne de résumer en moins de trois heures cette succession de morceaux de bravoure. Le film passe de la lumière d’un bonheur fugace où tout réussit à Dantès, au point de susciter jalousie et complots, à l’obscurité de la détention dépeinte comme une mort à petit feu où le détenu croise la route d’un compagnon de cellule italien qui va contribuer à ourdir sa revanche en lui en fournissant les moyens providentiels. La troisième partie, qui est aussi la plus longue, relate le retour à la vie du proscrit qui excelle à se rendre méconnaissable (avec vingt ans de plus) pour assouvir sa vengeance et renaître à cette vie amputé de ses plus belles années.
Anamaria Vartolomei
Matthieu Delaporte et Alexandre de La Patellière ont réuni autour de ce projet ambitieux produit par leurs complices des Trois mousquetaires, dont ils n’étaient qu’adaptateurs et scénaristes, un casting idéal. Face à Pierre Niney en héros vengeur un peu trop reconnaissable, là où le héros imaginé par Dumas dupait ses amis comme ses ennemis par son art du travestissement, Bastien Bouillon, Laurent Lafitte et Patrick Mille arborent trois visages du mal. Ils respectent en cela cette maxime d’Alfred Hitchcock qui préconisait de toujours soigner les méchants afin de mettre en valeur le héros en accentuant la difficulté de ses exploits. Sans jamais chercher à dépoussiérer le texte d’origine, ils en exploitent les multiples aspects et préfèrent aux traditionnelles scènes d’explication d’habiles ellipses pour aller droit à l’essentiel. L’affaire est bouclée sans digressions artificielles dans un dosage dramatique efficace qui a toutefois une fâcheuse tendance à abuser de la musique tonitruante de Jérôme Rebotier, comme si l’intrigue et la mise en scène ne se suffisaient pas à elles-mêmes, ce qui est pourtant le cas. Les scénaristes démontrent pourtant un talent pour la mise en scène que leurs opus précédents ne leur avaient pas permis de de valider avec un tel panache. Leur relecture du classique de Dumas réussit enfin la prouesse de conserver l’essence du roman sans sacrifier pour autant l’épaisseur psychologique de sa multitude de personnages. Quitte à pratiquer parfois des ellipses audacieuses qui ne nuisent pas pour autant à l’équilibre de ce monument immémorial dont les fondations s’avèrent d’une résistance à toute épreuve.
Jean-Philippe Guerand
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