Film français de Martin Bourboulon (2023), avec François Civil, Romain Duris, Vincent Cassel, Pio Marmaï, Eva Green, Louis Garrel, Lyna Khoudri, Vicky Krieps, Jacob Fortune-Lloy, Éric Ruf, Marc Barbé, Patrick Mille, Julien Frison… 1h55. Sortie le 13 décembre 2023.
Eva Green et Éric Ruf
Les trois mousquetaires figure avec Les misérables parmi les œuvres du patrimoine littéraire français les plus souvent portées à l’écran. L’œuvre d’Alexandre Dumas a d’ailleurs fait l’objet d’adaptations plus ou moins longues qui n’en conservent le plus souvent que la substantifique moëlle : la complicité de notre quatuor de bretteurs et le dévouement patriotique qui les incite à se mettre au service de la couronne pour déjouer un complot fomenté par un Richelieu fourbe à souhait sous sa tenue de cardinal. Dans la version mise en scène par Martin Bourboulon sur un scénario des duettistes Matthieu Delaporte et Alexandre de La Patellière, le premier volet assumait l’aspect le plus ingrat de l’entreprise : les scènes d’exposition, en se concentrant sur le baptême du feu de d’Artagnan et son intronisation parmi les mousquetaires du Roi. Le plus dur étant fait, cette seconde partie a les coudées franches pour se concentrer sur l’essentiel, c’est-à-dire démasquer l’âme damnée de Richelieu, cette fameuse Milady de Winter à laquelle Eva Green confère la noirceur venimeuse qu’a si bien su exploiter Tim Burton et qui tranche avec la blondeur associée traditionnellement à ce personnage, de Lana Turner dans la version de George Sidney à Faye Dunaway chez Richard Lester, en passant par Mylène Demongeot chez Bernard Borderie et Karin Petersen face aux Charlots. Certes, les hommes préfèrent les blondes, mais Milady devient ici une mangeuse d’hommes et une redoutable vamp de chevet qui use et abuse de son corps comme de la plus redoutable des armes. Qu’importe que les scénaristes prennent des libertés avec le livre dont ils s’inspirent, ils en préservent l’esprit et c’est là l’essentiel.
Eva Green
Nettement moins à l’aise pour filmer les combats à fleurets mouchetés que les scènes d’alcôve et autres séquences intimes, Bourboulon réussit à donner de la chair à ses protagonistes et évite de se disperser inutilement dans trop de considérations historiques, tout en ancrant le film dans le contexte de ces fameuses guerres de religion qui ont bien failli avoir raison du régime monarchique en place. Cette seconde partie s’attache davantage aux personnages et à leurs relations sur un registre feuilletonnesque assumé, alors même que leur représentation à l’écran rompt avec la tradition, Porthos n’étant pas ventripotent, Aramis ne se laissant pas submerger par sa foi et Athos cultivant son jardin secret au point de refermer le film sur une révélation qui implique nécessairement une suite dont on sait qu’elle verra sans doute le jour sous la forme d’une série. Après tout, même si le cinéma ne s’est jamais vraiment aventuré sur cette piste, Les trois mousquetaires était suivi chez Dumas de Vingt ans après, puis du Vicomte de Bragelonne qui mériteraient d’être portés à l’écran à leur tour, tant leur construction et leur esprit cadrent bien avec les habitudes du public contemporain biberonné aux plateformes de streaming. Reste l’ampleur des moyens requis. Dimitri Rassam et Jérôme Seydoux ont mis au service de cette entreprise les moyens nécessaires et semblent bien partis pour donner un nouvel élan à cette tradition française des épopées de cape et d’épée qui ambitionne aujourd’hui de tailler des croupières à l’hégémonie des super-héros hollywoodiens. C’est tout le mal qu’on lui souhaite au vu de ce premier diptyque prometteur.
Jean-Philippe Guerand
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