Film franco-germano-espagnol de Martin Bourboulon (2023), avec François Civil, Vincent Cassel, Romain Duris, Pio Marmaï, Eva Green, Louis Garrel, Jacob Fortune-Lloyd, Lyna Khoudri, Vicky Krieps, Éric Ruf, Marc Barbé, Patrick Mille, Julien Frison, Ralph Amoussou, Swan L’Haoua… 2h01. Sortie le 5 avril 2023.
Vincent Cassel, Romain Duris et Pio Marmaï
Il est des sujets vers lesquels le cinéma semble comme aimanté depuis sa naissance. Parmi ceux-ci figure en très bonne place l’œuvre pléthorique d’Alexandre Dumas dont Les trois mousquetaires constitue le champion toutes catégories. C’est donc avec un plaisir particulier qu’on attendait sa dernière version en date. Au scénario, Alexandre de La Patellière et Matthieu Delaporte, les auteurs du Prénom, aux prises avec une matière considérable qui pourrait donner lieu à une série longue de plusieurs centaines d’heures et se résume ici à deux longs métrages de deux heures chacun : le premier à la gloire de D’Artagnan, le second à celle de la perfide Milady, qui sortira le 13 décembre prochain. Une éternité pour ceux qui auront savouré l’opus un, mais une date éminemment stratégique dans le positionnement du diptyque dans la dernière ligne droite des César 2024. Cette production prestigieuse possède en effet tous les atouts pour assurer un nouveau succès au cinéma français le plus populaire, en opposant aux super-héros hollywoodiens une fresque de cape et d’épée qui a placé la barre particulièrement haut. Elle s’inscrit par ailleurs dans une politique à plus long terme de Pathé qui vient de confier aux mêmes scénaristes l’adaptation d’un autre classique de Dumas : Le comte de Monte-Cristo, avec Pierre Niney dans le rôle-titre, qu’ils réaliseront l’été prochain.
Vicky Krieps et Lyna Khoudri
Comme son titre l’indique clairement, Les trois mousquetaires : D’Artagnan s’attache à l’intégration du cadet de Gascogne au sein de la garde rapprochée de la couronne royale, alors que sévit une Guerre de Religion qui confronte les catholiques à des protestants instrumentalisés par l’Angleterre. Un contexte sur lequel insiste cette version nettement plus noire que celles qui l’ont précédée. Exit le valet Planchet immortalisé par Bourvil dans la version de Bernard Borderie, mais aussi l’insouciance qui régnait sur la version hollywoodienne signée par George Sidney dans l’immédiat Après-Guerre et sur le triptyque mis en scène par Richard Lester dans les années 70, mais surtout l’humour potache des Charlots dans leur version en deux volets. Martin Bourboulon procède à un autre changement fondamental en décrivant Athos, Porthos et Aramis comme des hommes d’expérience dévoués à leur sacerdoce qui accueillent parmi eux un jeune homme qui leur rappelle ceux qu’ils ont été par sa fougue et son enthousiasme. La mise en scène transcende par ailleurs son sujet avec une ambition affirmée qui se déploie à travers quelques séquences d’anthologie et le soin particulier apporté aux moindres composantes techniques et artistiques, qu’il s’agisse des décors, des costumes, de la lumière ou de la musique. Bref, de la belle ouvrage savamment exécutée pour un spectacle parfois grandiose qui renoue avec une longue tradition de qualité française de nature à conquérir le monde avec classe et noblesse.
Eva Green et Éric Ruf
Les trois mousquetaires illustre magistralement cette fameuse qualité française que François Truffaut étrilla si souvent comme journaliste avant d’en devenir lui-même le champion. Aux multiples D’Artagnan immortalisés par Émile Dehelly (1912), Douglas Fairbanks (1921), Max Linder (1922), Aimé Simon-Girard (1932), Walter Abel (1935), Don Ameche (1939), Cantinflas (1942), Gene Kelly (1948), Georges Marchal (1953), Jacques Dumesnil (1954), Jean-Paul Belmondo (1959), Gérard Barray (1961), George Nader (1962), Jean Marais, Fernando Lamas (1963), Jean-Pierre Cassel (1964), Dominique Paturel (1969), Michael York (1973), Jean Valmont (1974), Nicolas Silberg (1977), Francis Perrin (1979), Cornel Wilde, Chris O’Donnell (1993), Philippe Noiret (1994), Gabriel Byrne (1998), Hugh Dancy (2001), Justin Chambers, Florent Pagny (2004), Vincent Elbaz (2005) et Logan Lerman (2011), François Civil oppose une alternative séduisante, face au trio formé par Vincent Cassel, Romain Duris et Pio Marmaï, mais aussi à sa bien-aimée (Lyna Khoudri) aussi lumineuse qu’apparaît ténébreuse la femme fatale incarnée par Eva Green, tout droit sortie de ses rôles chez Tim Burton. Le reste de la distribution atteste du sérieux de l’affaire, avec en filigrane les guerres de Religion et la grande Histoire qui s’écrit à travers quelques-unes de ses figures emblématiques parmi lesquelles Louis XIII (Louis Garrel), Anne d’Autriche (Vicky Krieps) et le cardinal de Richelieu (Éric Ruf). La réussite de cette entreprise ambitieuse réside dans cette reconstitution d’une époque à travers la saga d’un quatuor de héros patriotes confrontés à la raison d’État et chargés d’assurer la protection d’un pouvoir menacé. Avec en prime trois personnages féminins déterminants et quelques morceaux d’anthologie, à l’instar de ce duel à cheval au bord d’une falaise et d’une escapade éclair en Angleterre. Une alternative excitante aux super-héros hollywoodiens qui mérite de susciter des vocations…
Jean-Philippe Guerand
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