Film français de Cédric Jimenez (2022), avec Jean Dujardin, Anaïs Demoustier, Sandrine Kiberlain, Jérémie Renier, Lyna Khoudri, Cédric Kahn, Sofian Khammes, Sami Outalbali, Stéphane Bak, Raphaël Quenard… 1h40. Sortie le 5 octobre 2022.
Jean Dujardin
Il aura donc fallu sept ans de réflexion pour que le cinéma ose enfin aborder de front la vague d’attentats terroristes de 2015. Certes, Mikhaël Hers les avait déjà évoqués en filigrane d’Amanda (2018), mais la sortie de Novembre de Cédric Jimenez à une date équidistante de Revoir Paris d’Alice Winocour (le 7 septembre) et de Vous n’aurez pas ma haine de Kilian Riedhof (le 2 novembre) est le signe patent que le temps de la résilience est venu. Cédric Jimenez s’attache aux faits proprement dits, en se concentrant sur les efforts déployés par les autorités françaises pour localiser les terroristes du 13 novembre et les empêcher de nuire. Voici donc le récit à peine fictionnalisé de la folle course contre la montre de cinq jours engagée par la brigade anti-terroriste à la suite des attaques coordonnées au Stade de France, aux terrasses des cafés de l’Est parisien et au Bataclan. Un compte à rebours minutieux qui associe les techniques les plus sophistiquées aux mystères du hasard et à une infime part de chance. Adepte des intrigues millimétrées et des confrontations spectaculaires, le réalisateur de Bac Nord n’envisage la mise en scène que comme un moyen de mettre en valeur un scénario et ses interprètes. Attaché aux vertus cardinales du cinéma spectacle, Cédric Jimenez est passé maître dans l’art de mettre ses moindres ressources au service d’un propos solidement étayé qui évite de se perdre en détails superfétatoires. Sans se complaire pour autant dans les conventions parfois pesantes du film à thèse, il s’est approprié cette formule du grand John Ford qui affirmait que quand il avait un message à faire passer, il utilisait… la poste !
Anaïs Demoustier
Novembre est une mécanique de précision qui s’appuie sur des événements récents afin d’observer le travail méticuleux d’une unité d’élite consciente que le temps joue contre elle, mais doit obtenir coûte que coûte des résultats concrets, sous peine de voir sa légitimité remise en cause et ses rivales la supplanter. Cette enquête menée sur les chapeaux de roue, Cédric Jimenez la met en scène avec son efficacité coutumière, mais sans s’encombrer d’une contextualisation trop envahissante, tant ces événements appartiennent à notre vécu collectif récent. Un atout authentique qui permet au metteur en scène de se concentrer sur l’essentiel, sans pour autant se livrer au petit jeu des clins d’œil. Son film nous révèle ce que les médias traditionnels n’ont pas pu montrer à chaud pour d’évidentes raisons de sécurité et de confidentialité. À commencer par l’enquête de routine menée par des fonctionnaires zélés dont la patience et le dévouement ont parfois produit d’authentiques miracles, grâce notamment à une indicatrice providentielle (époustouflante Lyna Khoudri), contrainte dès lors de changer d’identité afin d’éviter d’éventuelles représailles. Une femme courageuse que le metteur a cru bon de présenter voilée, mais dont une mention nous précise à l’écran qu’elle ne l’a en fait jamais été. Preuve des scrupules de Jimenez qui observe ce travail de fourmi à la loupe et confère à son film la valeur d’un exutoire collectif, en utilisant pour cela toutes les ressources du cinéma spectacle. Mais pas seulement ! Novembre s’inscrit dans la grande tradition de certains films réalisés par John Frankenheimer ou Sidney Lumet. Avec cette volonté d’éclairer les zones d’ombre pour dépeindre une démocratie confrontée à l’épreuve du terrorisme dans ce qu’elle a de plus précieux : sa laïcité. Ça, on ne le répètera jamais assez !
Jean-Philippe Guerand
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