Film français d’Alice Winocour (2022), avec Virginie Efira, Benoît Magimel, Grégoire Colin, Maya Sansa, Amadou Mbow, Nastya Golubeva Carax, Anne-Lise Heimburger, Sokem “Kemso” Ringuet… 1h43. Sortie le 7 septembre 2022.
Virginie Efira et Benoît Magimel
Rescapée des attentats terroristes de novembre 2015, Mia peine à se remettre de ce traumatisme qui l’a conduite à s’isoler de ses proches pour tenter de se reconstruire en paix. Jusqu’au jour où elle se résout à revenir sur les lieux du crime, cette brasserie où elle a échappé miraculeusement au carnage, mais dont la sépare un long trou de mémoire. C’est pour combler ce vide abyssal propice à tous les fantasmes qu’elle se met en relation avec les survivants du massacre à travers une association qui en réunit un certain nombre et favorise la résilience collective de ces éclopés de la vie en quête d’un repos illusoire., même si ce qu’a vécu chacun de ses membres reste unique et n’appartient qu’à sa propre mémoire. Comment se reconstruire après un traumatisme d’une telle sauvagerie ? Telle est la question à laquelle tente de répondre Alice Winocour dans Revoir Paris. Sur un tout autre registre que Novembre de Cédric Jimenez (sortie le X octobre), qui reconstitue les faits de façon clinique sur un laps de temps très bref, elle s’empare de cette tragédie collective pour la ramener à une échelle individuelle, comme l’avait déjà fait Mikhaël Hers en filigrane d’Amanda (2018). Avec cette utopie chimérique que représente la reconstruction d’une victime en lutte avec elle-même qui aspire à retrouver la paix intérieure.
Benoît Magimel et Virginie Efira
Épaulée par la scénariste Marcia Romano et le documentariste suisse Jean-Stéphane Bron, la réalisatrice de Proxima (2019) cisèle avec un tact infini une étude de mœurs subtile qui s’attache en fait à un retour à la vie en forme de rédemption, à travers le combat douloureux que livre une rescapée pour rassembler les éclats brisés de sa mémoire. Quitte à devoir affronter des spectres terrifiants en acceptant de se confronter au regard des autres rescapés et en réalisant que ses souvenirs en lambeaux ne cadrent peut-être pas tout à fait avec celle qu’elle croyait être ou avoir été. Un rôle écrasant que Virginie Efira endosse sans pathos ni éclats. Simplement avec un sourire voilé qui s’avère lourd de non-dits et de points de suspension. À travers ce rôle d’une infinie complexité, la comédienne franchit un nouveau cap déterminant dans sa carrière et se positionne d’ores et déjà comme une sérieuse postulante au prochain César de la meilleure actrice. Entre douleur et douceur, la comédienne a l’extrême intelligence de ne pas faire pencher la balance de ses sentiments et de s’en remettre au libre-arbitre du spectateur qui ne connaît de cette tragédie contemporaine que ce qu’ont bien voulu lui en montrer les médias à travers leur filtre naturel. Revoir Paris s’impose comme un acte authentique de consolation à la fois collective et individuelle.
Jean-Philippe Guerand
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