Boy from Heaven Film suédo-franco-finlandais de Tarik Saleh (2022), avec Tawfeek Barhom, Fares Fares, Mohammad Bakri, Makram Khoury, Mehdi Dehbi, Moe Ayoub, Sherwan Haji, Ramzi Choukair… 1h59. Sortie le 26 octobre 2022.
Sherwan Haji et Tawfeek Barhom
Révélé en France par le formidable thriller Le Caire confidentiel, Tarik Saleh incarne cette diaspora de cinéastes du Proche et du Moyen Orient exilés en Scandinavie dont la récente montée en puissance a été entérinée cette année à Cannes par la sélection officielle simultanée en compétition de Leila et ses frères de Saeed Roustayi et Les nuits de Mashhad d’Ali Abbasi, deux visions singulières de l’Iran chiite. C’est en Turquie, et notamment dans la mosquée Süleymanye d’Istanbul, que le réalisateur suédois est allé tourner La conspiration du Caire, un authentique thriller situé dans le saint des saints de l’Islam sunnite : la prestigieuse université Al-Azhar du Caire. Là, l’irruption d’un jeune homme d’origine modeste qui a bénéficié d’une bourse d’études va provoquer un séisme considérable au sein de la vénérable institution devenu l’enjeu de toutes les luttes d’influences, à la suite de la disparition du Grand Imam et de l’élection de son successeur. Sur le trottoir d’en face, la Sûreté de l’État surveille ces événements avec d’autant plus de vigilance que l’enjeu est autant politique que religieux sinon plus…
Ramzi Choukair
Couronné du prix du scénario à Cannes, Tarik Saleh excelle dans la mise en scène d’un processus complexe dont il parvient à tirer un thriller haletant, tout en décryptant une mécanique aussi sophistiquée que diabolique. Il en maîtrise d’autant mieux les rouages qu’il a lui-même subi le harcèlement intensif des services de sécurité égyptiens qui l’ont contraint à partir tourner ailleurs Le Caire confidentiel. En choisissant de décrire les rouages de cette vénérable institution à travers les yeux d’une sorte de candide qui devient la proie de tous les manipulateurs, il orchestre avec La conspiration du Caire un authentique thriller politique dont le message revêt une portée universelle et pourrait se décliner dans de multiples contextes religieux hyper codifiés. Avec aussi ce personnage clé au look ringard qu’incarne le génial Fares Fares en fonctionnaire désabusé qui choisit de lever le pied avant une retraite bien méritée. Comme pour partir après avoir donné un salutaire coup de propre à sa conscience. Il émane de ce film ponctué de séquences jubilatoires et peuplé de personnages hauts en couleur la puissance de certains classiques hollywoodiens du cinéma noir qui s’appuient sur la description d’un microcosme pour nous faire regarder à travers l’objectif d’un microscope et observer un fourmillement invisible à l’œil nu. C’est du grand art où l’ampleur de la fresque se conjugue avec la finesse de la miniature.
Jean-Philippe Guerand
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