Leila’s Brothers Film iranien de Saeed Roustaee (2022), avec Taraneh Alidoosti, Navid Mohammadzadeh, Payman Maadi, Farhad Aslani, Mohammad Ali Mohammadi, Saeed Poursamimi, Nayereh Farahani, Mehdi Hosseinina… 2h49. Sortie le 24 août 2022.
Taraneh Alidoosti
Le cinéaste iranien Saeed Roustaee s’est fait remarquer l’an dernier avec un thriller d’une maîtrise ébouriffante, La loi de Téhéran, succès-surprise de l’été 2021 qui reposait sur quelques morceaux de bravoure impressionnants. Changement radical de registre avec son troisième film dans lequel il revient au thème de la famille déjà au cœur de son premier long métrage, inédit en France, Life and Day (2016), auquel un distributeur français serait avisé de s’intéresser a posteriori. Unique femme au sein d’une fratrie de quatre garçons, Leila s’est littéralement sacrifiée pour les siens. Alors quand la crise économique menace leur survie à plus ou moyen terme, en multipliant les querelles et les incompréhensions, cette quadragénaire déterminée se met en tête d’ouvrir une boutique en famille pour resserrer son unité et assurer son train de vie sinon sa survie pure et simple. Mais c’est compter sans son père vieillissant qui destine ses économies à un autre usage, purement honorifique : celui de parrain de sa communauté. Ses problèmes de santé ne font qu’ajouter à la zizanie qui pourrit les relations de la tribu et il faut toute l’ingéniosité de Leila pour tirer profit de cette accumulation de désillusions et de contrariétés.
Saeed Poursamimi et Payman Maadi
Leila et ses frères est un vibrant éloge de la cellule fondatrice de la société iranienne, la famille, qui dessine en filigrane un portrait saisissant de ce pays aujourd’hui recroquevillé sur lui-même dont le pouvoir harcèle des cinéastes devenus des virtuoses dans leur capacité à résister en continuant à s’exprimer et à déjouer les coups les plus fourrés de la censure officielle. Jusqu’au moment où ils sont emprisonnés, comme Jafar Panahi, Mohammad Rasoulof et Mostafa al-Ahmad pas plus tard que le 27 juillet dernier. Sans être à proprement parler une œuvre politiquement engagée, comme l’an dernier Un héros d’Asghar Farhadi, le film de Saeed Roustaee documente la société persane à travers certaines de ses pratiques. En l’occurrence ici cette coutume d’un autre âge qui consiste pour un notable à mettre sa fortune au service de sa vanité, sans tenir compte en aucun cas des contingences matérielles. En ce concentrant sur la famille, la cellule de base de la société iranienne qui en constitue l’un des microcosmes fondateurs, Roustaee élargit son regard dans un panoramique saisissant sur un peuple coupé du monde par la république islamiste que ses traditions ancestrales empêchent parfois d’évoluer et de vivre avec son temps. Sous la chronique familiale, affleure donc une subtile critique sociale qui a valu au film le très mérité prix de la critique internationale (Fipresci) au dernier Festival de Cannes.
Jean-Philippe Guerand
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