Accéder au contenu principal

“T’as pas changé” de Jérôme Commandeur



Film français de Jérôme Commandeur (2025), avec Laurent Lafitte, François Damiens, Vanessa Paradis, Jérôme Commandeur, Michaël Abiteboul, Olivia Côte, Zineb Triki, Ludivine de Chastenet, Delphine Baril, Catherine Hiegel, Catherine Allégret, Rufus, Ambrine Trigo Ouaked, Arthur Pauleau, Alexandra Jacqmei, Victor Mermaz… 1h45. Sortie le 5 novembre 2025.



Jérôme Commandeur, Laurent Lafitte

et François Damiens



Les camarades de classe qui se retrouvent des années plus tard, le cinéma nous en a montrés beaucoup. Le constat est souvent amer, le bilan peu flatteur. En s’emparant de ce sujet, Jérôme Commandeur s’en remet aussi à un malentendu. Ces années lycée n’ont pas laissé les mêmes souvenirs à tous les élèves. Non seulement tous n’ont pas réalisé leurs rêves, loin de là, mais chacun possède une vision particulière de cet âge ingrat qui porte bien son nom. Après un deuxième film très réussi, Irréductible, qui lui avait valu le grand prix du festival de l’Alpe-d’Huez en 2022, La Mecque de la comédie, le réalisateur choisit Laurent Lafitte et François Damiens pour potaches montés en graine, face à des filles qui n’ont pas toujours gardé d’eux un souvenir idyllique, la revanche des laiderons grondant en coulisse. Alors comme tout ce joli monde n’a plus grand-chose à se dire, les masques tombent et les visages qu’ils dévoilent ne sont pas exactement ceux auxquels on aurait pu s’attendre. Commandeur fait à cette occasion la part belle aux acteurs en évitant soigneusement de se mettre en avant. Il confie ainsi à l’omniprésent Laurent Lafitte un rôle pathétique de chanteur de variétés condamné à interpréter éternellement ses rares tubes sur un podium itinérant et à François Damiens un emploi de père célibataire un rien dépassé par ses responsabilités. Avec en toile de fond la nostalgie des années 90 qui passe par le look et la musique.



Catherine Allégret et Rufus



Loin de tirer la couverture à lui, Jérôme Commandeur s’offre cependant un plaisir de connaisseur en s’offrant une histoire d’amour sur le tard avec Vanessa Paradis qui n’a pas eu à défendre un rôle aussi valorisant depuis des lustres et on ne peut que s’en réjouir. Cette comédie faussement nostalgique décline la nostalgie sur un registre plutôt cruel, en montrant des camarades de classe plutôt rancuniers dont la vie a été partiellement gâchée par cette cruauté inhérente à l’adolescence, avec d’un côté celles et ceux à qui tout semblait réussir et en face, pêle-mêle les mal-aimés, les laiderons et autres parias à qui l’âge adulte n’a pas toujours donné la confiance qui leur a manquée. Bien que son sujet évoque par bien des aspects des comédies générationnelles devenues cultes comme Mes meilleurs copains (1989) de Jean-Marie Poiré ou Le péril jeune (1994) de Cédric Klapisch, T’as pas changé actionne des ficelles différentes avec à la clé un arrière-goût de vengeance tardive qui ne sauve vraiment aucun des personnages, montre ce que la réussite a parfois de vain et d’illusoire, notamment à travers le crooner au rabais qu’incarne Laurent Lafitte avec sa moumoute et son sens du ridicule assumé, mais n’accable vraiment aucun de ces sales gosses. Comme si l’existence s’était chargée de rétablir une certaine équité après un départ pour le moins inégal dans la vie. La thématique “Que sont-ils devenus ?” est toujours payante. Surtout quand elle est baignée d’empathie et ouvre les vannes de la nostalgie, rengaines rétro à l’appui.

Jean-Philippe Guerand




Vanessa Paradis et Jérôme Commandeur

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Le paradis des rêves brisés

La confession qui suit est bouleversante… © A Medvedkine Elle est le fait d’une jeune fille de 22 ans, Anna Bosc-Molinaro, qui a travaillé pendant cinq années à différents postes d’accueil à la Cinémathèque Française dont elle était par ailleurs une abonnée assidue. Au-delà de ce lieu mythique de la cinéphilie qui confie certaines tâches à une entreprise de sous-traitance aux méthodes pour le moins discutables, CityOne (http://www.cityone.fr/) -dont une responsable non identifiée s’auto-qualifie fièrement de “petit Mussolini”-, sans nécessairement connaître les dessous répugnants de ses “contrats ponctuels”, cette étudiante éprise de cinéma et idéaliste s’est retrouvée au cœur d’un mauvais film des frères Dardenne, victime de l'horreur économique dans toute sa monstruosité : harcèlement, contrats précaires, horaires variables, intimidation, etc. Ce n’est pas un hasard si sa vidéo est signée Medvedkine, clin d’œil pertinent aux fameux groupes qui signèrent dans la mouva...

Berlinale Jour 2 - Mardi 2 mars 2021

Mr Bachmann and His Class (Herr Bachmann und seine Klasse) de Maria Speth (Compétition) Documentaire. 3h37 Dieter Bachmann est enseignant à l’école polyvalente Georg-Büchner de Stadtallendorf, dans le Nord de la province de Hesse. Au premier abord, il ressemble à un rocker sur le retour et mêle d’ailleurs à ses cours la pratique des instruments de musique qui l’entourent. Ses élèves sont pour l’essentiel des enfants de la classe moyenne en majorité issus de l’immigration. Une particularité qu’il prend constamment en compte pour les aider à s’intégrer dans cette Allemagne devenue une tour de Babel, sans perdre pour autant de vue leurs racines. La pédagogie exceptionnelle de ce professeur repose sur son absence totale de préjugés et sa foi en une jeunesse dont il apprécie et célèbre la diversité. Le documentaire fleuve que lui a consacré la réalisatrice allemande Maria Speth se déroule le temps d’une année scolaire au cours de laquelle le prof et ses élèves vont apprendre à se connaître...

Bud Spencer (1929-2016) : Le colosse à la barbe fleurie

Bud Spencer © DR     De Dieu pardonne… Moi pas ! (1967) à Petit papa baston (1994), Bud Spencer a tenu auprès de Terence Hill le rôle de complice qu’Oliver Hardy jouait aux côtés de Stan Laurel. À 75 ans et après plus de cent films, l’ex-champion de natation Carlo Pedersoli, colosse bedonnant et affable, était la surprenante révélation d’ En chantant derrière les paravents  (2003) d’Ermanno Olmi, Palme d’or à Cannes pour L’arbre aux sabots . Une expérience faste pour un tournant inattendu au sein d’une carrière jusqu’alors tournée massivement vers la comédie et l’action d’où émergent des films comme On l’appelle Trinita (1970), Deux super-flics (1977), Pair et impair (1978), Salut l’ami, adieu le trésor (1981) et les aventures télévisées d’ Extralarge (1991-1993). Entrevue avec un phénomène du box-office.   Rencontre « Ermanno Olmi a insisté pour que je garde mon pseudonyme, car il évoque pour lui la puissance, la lutte et la viol...