Film franco-danois de Stéphane Demoustier (2025), avec Claes Bang, Sidse Babett Knudsen, Michel Fau, Xavier Dolan, Swann Arlaud, Viilbjørk Malling Agger, Alessandro Bressanello, Pierre-François Grunewald, Thomas Garcia, Olivia Hahn Reichstein… 1h46. Sortie le 5 novembre 2025.
Swann Arlaud, Xavier Dolan et Claes Bang
Derrière la Grande Arche qui se dresse sur l’esplanade de La Défense, se cache l’histoire méconnue de son architecte recruté par concours à la demande du Président Mitterrand. Un monument devenu emblématique de ce quartier d’affaires qui n’est pas l’œuvre d’un bâtisseur de renom comme il est d’usage, mais le fruit de l’imagination d’un parfait inconnu qui est mort comme il avait vécu, dans l’indifférence générale de ses contemporains. On peut se demander légitimement pourquoi si peu de films ont été consacrés à l’architecture, à l’exception notable du Rebelle (1949) de King Vidor, du Ventre de l’architecte (1987) de Peter Greenaway, de The Brutalist de Brady Corbe voire… d’Astérix et Cléopâtre ! En s’attelant à ce projet dont il n’est pas l’instigateur malgré son expérience personnelle au sein du département d’architecture du ministère de la Culture, le réalisateur de Borgo s’est attelé à décrire la tempête qui gronde sous le crâne d’un homme hanté par sa propre vision car il sait que ce chantier est en fait celui de sa vie et mène sa mission comme un sacerdoce avec le soutien de son épouse. Un rôle que tient à merveille l’acteur danois Claes Bang dans le rôle de cet énigmatique Johan Otto von Spreckelsen mort deux ans avant l’achèvement de ce bâtiment dans lequel il a tant investi avant de s’en voir dépossédé et qu’a relaté Laurence Cossé dans le roman dont s’inspire le film.
Sidse Babett Knudsen et Claes Bang
Ce film est le récit d’un rêve fou : celui d’un président socialiste épris des beaux-arts qui décide de laisser des traces de son passage à travers des constructions pérennes, de la pyramide du Louvre à la bibliothèque qui porte son nom. L’incarnation qu’en donne Michel Fau s’avère d’ailleurs particulièrement pertinente, bien que fort différente de celle de Michel Bouquet dans Le promeneur du Champ de Mars de Robert Guédiguian. Elle le place dans la posture d’un Roi Soleil soucieux de marquer son époque. Fin connaisseur de l’univers des bâtisseurs qu’il a côtoyé, Stéphane Demoustier décrit en outre la solitude profonde de l’architecte tiraillé entre son obsession de voir aboutir un projet personnel jusqu’à l’intime et sa capacité à superviser simultanément une entreprise collective en fédérant d’innombrables corps de métiers au service d’un aboutissement unique. Un équilibre précaire que restitue à merveille ce film palpitant en levant un coin du voile sur un édifice qui s’est à ce point fondu dans notre paysage urbain qu’on en est arrivé à ne plus y prêter vraiment attention, preuve de sa légitimité désormais reconnue. L’inconnu de la Grande Arche propose une singulière invitation au rêve qui revêt une dimension universelle par ses multiples enjeux et le combat solitaire que mène un visionnaire pour imposer ses idées par-delà la raison d’État et les multiples contraintes administratives, logistiques et économiques qui entravent souvent la création. Un propos essentiel qui peut s’appliquer à toute création de formes et évidemment aussi au cinéma.
Jean-Philippe Guerand




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