Pee Chai Dai Ka Film thaïlando-franco-singapouro-allemand de Ratchapoom Boonbunchachoke (2025), avec Mai Davika Hoorne, Witsarut Himmarat, Apasiri Nitibhon, Wanlop Rungkumjad, Wisarut Homhuan… 2h10. Sortie le 27 août 2025.
Witsarut Himmarat
De l’audace (et de la pertinence), il en fallait déjà pour sélectionner un film thaïlandais de genre en compétition à la Semaine de la critique. Le jury présidé par le réalisateur espagnol Rodrigo Sorogoyen en a témoigné quant à lui en appréciant à sa juste démesure l’audace de ce geste cinématographique issu d’un pays d’où nous est déjà parvenu au printemps dernier la comédie insolite Comment devenir riche (grâce à sa grand-mère). C’est oublier un peu vite que c’est de cette même contrée qu’est originaire l’un des maîtres du cinéma visionnaire en la personne d’Apichatpong Weerasethakul. Ratchapoom Boonbunchachoke, quant à lui, a effectué son apprentissage en tant que scénariste, notamment sur deux séries télévisées. Fantôme utile est un objet cinématographique non identifié qui pratique le mélange des genres à partir d’un postulat délirant. Une mère de famille décédée des suites d’une maladie respiratoire due à la pollution par la poussière voit son esprit prendre possession d’un aspirateur chargé de veiller sur son mari s’il manifeste à son tour les premiers symptômes du mal qui l’a emportée. Ce postulat délirant est le point de départ d’une comédie macabre dont le rythme va aller crescendo. Jusqu’à un sabbat final d’anthologie auquel rien ne nous avait vraiment préparé, mais qui semble accréditer la thèse d’une internationale du cinéma fantastique, croisé ici avec des croyances ancestrales et une conception franchement décomplexée de la mort.
Mai Davika Hoorne et Witsarut Himmarat
Fantôme utile ressemble à un calendrier de l’avent dont chaque case recèle la plus improbable des surprises et ouvre une nouvelle piste tout aussi surprenante. Le principe même du film repose sur ses ruptures de ton incessantes et un délire qui doit autant à La nuit des morts vivants et Beetlejuice qu’à Ghostbusters et même Hellzapoppin par son insolence et son audace. Certains y verront sans doute également une mise en boîte de la société de consommation à travers ces pouvoirs occultes dévolus à des appareils électroménagers. Tel quel, le film s’inscrit dans le genre du cinéma de fantômes qui a engendré par le passé des œuvres de tonalités fort différentes dont une forte proportion de comédies fantastiques croisées le plus souvent avec des traditions locales, de l’Écosse de Fantôme à vendre (1935) aux délires de Ghost (1990) ou de Fantômes contre fantômes (1996), en passant par les écoles mexicaines ou asiatiques. La vision des revenants est ici plutôt atypique, dans la mesure où l’entourage se montre à ce point circonspect face à ce phénomène étrange que la fameuse ménagère ressuscitée en… aspirateur doit user d’un stratagème pour le moins saugrenu afin d’attester de son existence, sinon par sa présence, tout au moins par ses actes. C’est là le sort funeste des fantômes confrontés inéluctablement au doute voire à la suspicion dont Ratchapoom Boonbunchachoke tire un parti pour le moins original qui confère à son film une saveur vraiment particulière.
Jean-Philippe Guerand
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