Heldin Film germano-suisse de Petra Volpe (2025), avec Leonie Benesch, Sonja Riesen, Selma Adin, Jasmin Mattei, Anna-Katharina Müller, Urs Bihler, Margherita Schoch, Jürg Plüss, Lale Yavaş, Alireza Bayram, Urabain Guigumemdé, Heinz Wyssling, Doris Schefer… 1h32. Sortie le 27 août 2025.
Leonie Benesch
La crise du système de santé n’a pas résisté à l’urgence de la pandémie de Covid-19. En France, mais aussi en Suisse où la réalisatrice Petra Volpe situe son troisième long métrage. En première ligne s’attache à la journée comme les autres d’une infirmière qui doit subvenir au manque de moyens et de personnel hospitalier afin de veiller sur les malades dont elle a la responsabilité et prendre malgré elle des décisions parfois lourdes de conséquences, faute d’une chaîne de commandement qui fonctionne. Au-delà des tâches routinières auxquelles elle se trouve confrontée, le film observe avec attention une collectivité en situation de crise endémique où la moindre erreur d’appréciation peut entraîner une réaction en chaîne irréversible. Il tire son efficacité de son universalité, en dépeignant une communauté solidaire qui dépasse largement les responsabilités qui lui sont imparties pour permettre à un frêle esquif en pleine tempête de garder le cap coûte que coûte. Ce film a la puissance d’un constat sans appel qui pointe toutes les failles d’un système habitué à gérer ses multiples dysfonctionnements et à colmater ses brèches en usant et abusant des mesures d’urgence, sans pour autant essayer de remettre en cause ses structures de plus en plus inadaptées au manque de personnel et à des économies suicidaires. Le tout dans un contexte inextricable où l’allongement de l’espérance de vie va de pair avec un vieillissement de la population, mais se heurte de plein fouet à un personnel de santé insuffisant qui suscite par ailleurs de moins en moins de vocations. Et pour cause…
Leonie Benesch
En première ligne s’inscrit dans la catégorie des études de mœurs par son parti pris de suivre la journée d’une infirmière. La réalisatrice a eu la bonne idée de confier ce rôle à une comédienne vue l’an dernier dans La salle des profs qui se déroulait quant à lui dans un autre milieu professionnel en crise : l’éducation. Avec une économie d’effets remarquable, Leonie Benesch joue davantage sur l’intériorisation que sur les morceaux de bravoure que le film évite d’ailleurs soigneusement. Cette mise en scène de la routine repose sur une galerie de personnages assez représentative de la population des établissements hospitaliers et de toutes les situations auxquelles le personnel est supposé faire face, quitte à transiger parfois avec des consignes administratives trop pesantes. Une série d’épreuves quotidiennes qui soumettent les soignants à rude épreuve et les laissent souvent exsangues à la fin de leur service, en se félicitant qu’aucun incident majeur ne soit survenu, avec pour toute perspective un repos bien mérité pour peu qu’ils parviennent à faire abstraction des cas individuels qu’ils ont croisés : celles et ceux qui attendent qu’on les soulage et qu’on les réconforte, qui souffrent dans l’espoir qu’on les soigne, souvent seuls, et qui meurent parfois aussi dans une sorte d’indifférence feutrée. Petra Volpe montre justement qu’il ne s’agit pas là d’un métier comme les autres, mais bel et bien d’un sacerdoce mal payé de retour. Avec en filigrane des exigences d’efficacité et de rentabilité assez peu compatibles avec la compassion et l’attention qu’espèrent les malades en transit dans cet univers impitoyable où il semble rester de moins en moins de place pour l’humanité. Reste que ce film de salubrité publique porte un regard sans concession sur ces vastes espaces blancs désincarnés où tout commence et tout finit.
Jean-Philippe Guerand
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