Jurassic World : Rebirth Film américain de Gareth Edwards (2025), avec Scarlett Johansson, Jonathan Bailey, Mahershala Ali, Rupert Friend, Manuel Garcia-Rulfo, Luna Blaise, David Iacono, Audrina Miranda, Bechir Sylvain, Ed Skrein, Philippine Velge… 2h13. Sortie le 4 juillet 2025.
Jonathan Bailey et Scarlett Johansson
Il y a un peu plus de trente ans, Steven Spielberg faisait entrer le cinéma dans une nouvelle ère avec Jurassic Park, en donnant vie à l’un des plus grands fantasmes de l’humanité : les dinosaures. Des animaux préhistoriques et fantasmatiques que le cinéma avait jusqu’alors immortalisés à l’aide d’une panoplie d’artifices éprouvée dans le domaine de l’animation qui allait de Gertie le dinosaure (1914) de Windsor McKay aux versions successives du Monde perdu. Pour la première fois, en portant à l’écran un roman d’anticipation de Michael Crichton, l’apprenti-sorcier du Nouvel Hollywood conférait une existence crédible à un bestiaire jusqu’alors fantasmatique que le cinéma avait résumé ironiquement sous la forme du squelette géant anéanti par Katharine Hepburn dans L’impossible monsieur Bébé (1938) d’Howard Hawks. Comme pour attester de sa propre impuissance à lui donner vie de façon vraisemblable. Trois Jurassic Park, puis désormais quatre Jurassic World ont contribué à élever ce concept à un niveau de sophistication et de réalisme qui reflète les progrès accomplis par les effets spéciaux depuis l’avènement du numérique. C’est aujourd’hui Gareth Edwards qui reprend les rênes de cette franchise, fort d’une expertise qui lui a valu de se frotter à Godzilla, Rogue One : A Star Wars Story et même aux menaces que fait peser l’intelligence artificielle dans The Creator. Il cochait donc toutes les cases pour s’atteler à son tour à cette franchise souvent considérée comme un véritable banc d’essai technologique.
D’entrée de jeu, on se retrouve il y a dix-sept ans, c’est-à-dire entre l’ultime volet de Jurassic Park et le premier de Jurassic World. Pendant une demi-heure, le scénariste des deux opus originels, David Koepp, qui semblait revenu en forme avec les deux derniers films de Steven Soderbergh, fait du remplissage en contournant les pièges des fameuses scènes d’exposition. Le film met un certain temps à démarrer et s’attache à deux groupes distincts : un père en bateau à voile avec ses deux filles et le petit ami de l’aînée, et des scientifiques accompagnés d’un commanditaire qui entend récupérer l’ADN de trois types de créatures préhistoriques afin de pouvoir en cloner de nouveaux à des fins pas très claires, là où le savant de service préconise quant à lui de mettre à disposition le résultat de leurs recherches en Open Source. Tout ce joli monde se retrouve confronté à des espèces d’autant plus agressives qu’elles sont issues de croisements aléatoires. Il n’est plus question ici de T-Rex et autres dinosaures identifiés, mais de mutants dégénérés aux mâchoires démesurées qui sont revenus à l’état sauvage sur l’île où leurs créateurs les ont abandonnés quand le grand public s’en est désintéressé. Seule exception, un petit modèle qui devient la mascotte de la seule enfant du groupe mais demeure paradoxalement inoffensif, comme si sa gentillesse suspecte était un argument en soi pour lancer une gamme de peluches à son effigie. Jurassic World : Renaissance atteint les limites du genre par son bégaiement à l’envi d’une formule qui ne cherche même plus à surprendre. Personne n’y force vraiment son talent, à commencer par Scarlett Johansson qui n’en avait pas besoin, et le résultat est à la mesure de cette absence de motivation généralisée. Pas une scène n’est vraiment originale et l’on sent trop que cette entreprise n’a été conçue que pour de mauvaises raisons par des artistes de qualité qui ont chèrement marchandé leur présence au générique. Comment donc Steven Spielberg et le producteur Frank Marshall ont-ils pu cautionner un ersatz d’une telle médiocrité ? C’est vraiment le film de trop pour cette saga bégayante qui confirme combien Hollywood a besoin de se renouveler pour ne pas mourir.
Jean-Philippe Guerand
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