Film d’animation français de Michel Gondry (2025), avec (voix) Blanche Gardin, Maya Gondry… 1h03. Sortie le 18 juin 2025.
Bricoleur inventif, Michel Gondry a visité les moindres recoins du cinéma contemporain en profitant de sa renommée internationale. Un périple atypique et dépourvu de calculs qui lui a valu d’être élevé au rang de cinéaste culte grâce au triomphe de son deuxième long métrage, Eternal Sunshine of the Spotless Mind (2004), puis de partir en vadrouille sur les chemins de traverse en se donnant les moyens de son indépendance, avec des allers-retours réguliers entre la production traditionnelle et le cinéma indépendant voire d’incessants trajets entre la France et les États-Unis. Avec toujours la même obsession : s’aventurer dans les marges du septième art et se frotter aux genres les plus improbables, à l’instar de son film de super-héros, The Green Hornet (2011). Toujours avec le soutien d’un producteur qui le suit depuis les origines : le très discret Georges Bermann, transfuge du clip qui se consacre exclusivement à aider Gondry à transformer ses rêves, lequel se montre partageur en déclinant le concept de son propre film Soyez sympas, rembobinez (2008) à travers des ateliers de films amateurs destinées à rendre la fabrication même du cinéma accessible aux innombrables créateurs inconnus. C’est dans le même esprit qu’il réunit dans Maya, donne-moi un titre (2024) des courts métrages en papiers découpés et collés qu’il a tournés avec les moyens du bord et une imagination débordante à l’intention de sa fille dont un océan le séparait, après avoir ébauché ce principe sous forme d’échanges de dessins par fax avec son fils aîné. Il s’agit aussi là d’une alternative foisonnante à un cinéma d’animation devenu hégémonique dans lequel la technologie en est venue à se substituer à l’imagination chère aux pionniers et aux artisans, au détriment de la créativité proprement dite.
Comme son titre le souligne, Maya, donne-moi un autre titre est la prolongation de cette expérience créative spontanée qui repose sur le principe des cadavres exquis chers aux surréalistes. Le réalisateur y laisse libre cours à son imagination à partir des consignes que lui donne sa fille qu’il intègre au beau milieu des images animées. On sent que Gondry ne se refuse absolument rien et qu’il n’apprécie rien tant que de se voir proposer les défis parfois délirants de Maya. Dès lors, le résultat est aussi savoureux que l’était l’opus initial par son refus des normes et des règles. Avec cette fois la voix de Blanche Gardin en lieu et place de celle de Pierre Niney. C’est d’ailleurs la seule variante réelle entre les deux opus dont le charme repose pour une bonne part sur leur durée spécifique : un peu plus d’une heure pour un ressenti supérieur qui s’explique par le rythme soutenu de ces saynètes et la multiplicité d’univers dans lesquels elles nous entraînent. L’autre point fort de ce diptyque repose sur sa capacité à drainer un vaste public, des enfants les plus jeunes qui en apprécieront les couleurs et les formes aux inconditionnels du réalisateur qui vérifieront une fois de plus de quoi est capable son imagination quand elle est en fusion. On en vient à se dire qu’on aurait aimé avoir un papa comme Michel Gondry en mesure de s’adapter à n’importe quelle situation pour en tirer un geste poétique et finir par l’intégrer à part entière à son œuvre. C’est d’ailleurs l’une de ses obsessions de toujours d’abattre les frontières en inventant son propre langage, ce qu’il a souvent réussi à faire en trouvant les équivalences les plus audacieuses à des événements parfois anodins que d’autres se seraient contentés de traiter au pied de la lettre. C’est tout le contraire ici.
Jean-Philippe Guerand
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