Black Bag Film britannique de Steven Soderbergh (2025), avec Cate Blanchett, Michael Fassbender, Regé-Jean Page, Marisa Abela, Naomie Harris, Tom Burke, Pierce Brosnan, Orli Shuka, Alex Magliaro, Daniel Fearn… 1h33. Sortie le 12 mars 2025.
Michael Fassbender
Lauréat de la Palme d’or 1989 dès son premier film, Sexe, mensonges et vidéo, Steven Soderbergh ne s’est jamais reposé sur ses lauriers. Au point d’annoncer à une époque qu’il comptait mettre un terme prématuré à sa carrière de réalisateur au lendemain d’Effets secondaires (2013) et à une autre de présenter en séance spéciale à Cannes Schizopolis en tentant de préserver son anonymat afin qu’on puisse le juger comme un parfait inconnu et non en fonction de sa renommée. La fringale de cinéma du cinéaste a toutefois toujours été la plus forte et l’a conduit à passer d’un registre à l’autre avec des moyens extrêmement variés. Après un trop long silence, il est revenu en janvier dernier avec Presence, un pur film d’atmosphère dont la caméra était le personnage principal. Deux mois plus tard, le revoici avec un thriller d’espionnage à la fois classique et atypique qui renvoie à la fois aux jeux de rôles orchestrés par Agatha Christie et aux intrigues nébuleuses de son compatriote John Le Carré. Des exercices de style mitonnés par le scénariste virtuose David Koepp qui constituent aussi des propositions de mise en scène tout aussi passionnantes et illustrent la propension de Soderbergh à s’adapter en se renouvelant, y compris sur des registres qu’il maîtrise à merveille, comme en a attesté naguère sa nomination simultanée à l’Oscar du meilleur réalisateur en 2001 pour deux œuvres fort différentes : Erin Brockovich, seule contre tous et Traffic (qui l’a obtenu).
Steven Soderbergh possède un secret de fabrication à toute épreuve : il érige son plaisir de metteur en scène en valeur suprême et altruiste. The Insider illustre cette inspiration avec maestria à partir d’un scénario conçu sur le principe du jeu de Cluedo. Des agents secrets s’y réunissent pour laver leur linge sale en famille et démasquer la taupe qui se tapit parmi eux, en se soumettant les uns après les autres à une variante imparable du jeu de la vérité : le détecteur de mensonges ou polygraphe. Une aubaine pour le cinéaste qui savoure et partage son plaisir sans modération avec la complicité d’un casting de choix sur lequel règne le couple distingué que forment Cate Blanchett et Michael Fassbender en proie à une suspicion qui ne peut être détruite qu’en trouvant la personne dont elle sert les intérêts, tout en détournant l’attention vers un bouc émissaire. Avec aussi le plus emblématique des jokers en la personne de l’avant-dernier interprète de James Bond, Pierce Brosnan. Ce jeu d’espions réglé avec une rare fluidité est à savourer sans chercher à deviner qui est le traître. Comme il est d’usage dans bon nombre de films noirs depuis qu’Alfred Hitchcock en ait défini les caractéristiques lors d’une conférence donnée à l’université de Columbia en 1939, le MacGuffin ne constitue comme il se doit qu’un prétexte à des joutes verbales brillantes et jubilatoires, sans que la quête de la vérité constitue véritablement l’ultime clé de l’énigme. La montée de la tension dramatique est en outre associée ici à une bande originale percutante due au compositeur irlandais David Holmes, complice de longue date du cinéaste auquel on doit notamment la trilogie Ocean’s. Il y a donc autant à entendre qu’à voir dans ce numéro de haute voltige paré d’un humour à toute épreuve.
Jean-Philippe Guerand
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