Film franco-italien de Paolo Sorrentino (2024), avec Celeste Dalla Porta, Stefania Sandrelli, Gary Oldman, Silvio Orlando, Luisa Ranieri, Peppe Lanzetta, Isabella Ferrari, Dario Aita, Daniele Rienzo, Silvia Degrandi, Lorenzo Gleijeses, Giampiero de Concilio, Alfonso Santagata, Nello Mascia, Biagio Izzo… 2h17. Sortie le 12 mars 2025.
Celeste Dalla Porta et Peppe Lanzetta
Paolo Sorrentino fait partie de ces cinéastes dont les admirateurs sont aussi passionnés que les détracteurs se déchaînent à chacun de ses films. Il a pourtant réussi à apaiser les passions avec son précédent opus doublement prié à Venise, puis diffusé sur Netflix, La main de Dieu (2021), une évocation paisible et amoureuse de la Naples de sa jeunesse qui renouait avec un certain cinéma italien de l’Après-Guerre par la place dévolue à la nostalgie et au folklore. Perpétuation de traditions séculaires qui ont réussi à s’affranchir de toutes les modes grâce à l’attachement viscéral de la population à cette ville dont le prince était alors le footballeur argentin Diego Maradona recruté par l’équipe du Napoli. Conçu selon les dires du réalisateur comme une lettre d’amour, Parthenope s’inscrit dans la même veine à partir d’un personnage féminin au prénom de sirène qui va connaître une destinée de rêve entre la baie de Naples et l’île de Capri. Un rôle incarné par deux actrices : Celeste Dalla Porta et Stefania Sandrelli, comme un trait d’union entre deux siècles sous le signe de la beauté, mais aussi un signe de connivence à ce cinéma italien des années 60 qui inspire aujourd’hui l’irrépressible nostalgie inhérente à un paradis perdu. Créateur épris de sensualité et rompu à la virtuosité par sa pratique du cinéma publicitaire, Sorrentino construit son film sous la forme d’une succession de vignettes aux tonalités parfois très diverses. Son héroïne est en l’occurrence une sorte de femme parfaite qui manifeste une intelligence hors du commun derrière une beauté surnaturelle dont le destin va croiser celui de l’écrivain américain alcoolique John Cheever qu’incarne brillamment le trop rare Gary Oldman.
Celeste Dalla Porta et Gary Oldman
On pourrait aisément décrire Parthenope comme un pur éloge de la beauté. Mais ce serait faire fi de la tentation baroque et visionnaire de son réalisateur, toujours prompt à rendre hommage à ses maîtres. À commencer ici par Federico Fellini, déjà célébré dans La grande bellezza (2013), dont il célèbre à la fois le goût du pittoresque et la fascination pour le grotesque. La magie qui se dégage de cette fresque luxuriante repose aussi pour une bonne part sur son mélange des genres et la personnalité complexe de son héroïne dotée de toutes les vertus, personnification de la femme fatale inaccessible et pourtant unanimement appréciée pour sa gentillesse et son goût du partage. L’habileté du scénario consiste à relater son destin façon puzzle en revendiquant simultanément son attachement à un genre naguère très en vogue dans le cinéma transalpin : le film à sketches. Un exercice de style qui engendre par essence des résultats inégaux, mais culmine parfois dans des instants de grâce, comme dans cette séquence délirante au cours de laquelle la belle se donne à la bête avec une volupté prodigieuse. Il faut pour apprécier les audaces de cet album en accepter les surprises et les mystères, sans craindre de dépasser les limites du cartésianisme. Rares sont les cinéastes contemporains (sinon le regretté David Lynch ou les Tim Burton et Terry Gilliam des grands jours) capables de s’aventurer dans ce type d’aventures et surtout de succomber à leur ivresse sans éprouver la nécessité impérieuse de se retrancher en permanence derrière des justifications rationnelles. C’est l’incroyable liberté de ce film qui confère toute sa magnificence au chant de sa sirène.
Jean-Philippe Guerand
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