In Liebe, Eure Hilde Film allemand d’Andreas Dresen (2024), avec Liv Lisa Fries, Alexander Scheer, Emma Bading, Lisa Hrdina, Lena Urzendowsky, Tilla Kratochwil, Rachel Braunschweig, Thomas Lawinsky, Fritzi Haberlandt, Florian Lukas, Johannes Hegemann, Lisa Wagner, Sina Martens, Hans-Christian Hegewald, Nico Ehrenteit, Jacob Keller… 2h04. Sortie le 12 mars 2025.
Alexander Scheer et Liv Lisa Fries
La Seconde Guerre mondiale reste pour les cinéastes allemands un sujet inépuisable qui aboutit parfois à des approches singulières, l’évocation du Troisième Reich en tant que tel servant surtout à perpétuer la mémoire auprès des nouvelles générations qui en ignoreraient l’existence et le traumatisme subséquent. La fabrique du mensonge répondait il y a peu à ces critères par son souci de respecter la stricte vérité au point de mettre dans la bouche des interprètes d’Hitler et de Goebbels des phrases validées par les historiens. Le moment semble aussi venu d’évoquer des événements en marge de l’histoire officielle qui l’éclairent parfois d’un jour nouveau, à l’instar de Stella, une vie allemande, ce film sorti l’an dernier qui évoquait le personnage authentique d’une Allemande de confession juive que son aigreur de ne pas avoir réussi à faire carrière comme chanteuse de jazz et les sévices auxquels elle avait été soumise avaient incitée à devenir indicatrice pour la Gestapo et à envoyer ses propres parents dans les camps. Une histoire à manipuler avec des pincettes pour ne pas nourrir les thèses révisionnistes à travers ce personnage de victime devenue bourreau. Berlin, été 42, dont le titre français résonne évidemment en écho au fameux classique de Robert Mulligan, s’attache à l’un des très rares faits de résistance survenus en Allemagne au cours de la Seconde Guerre mondiale, à travers la rencontre champêtre d’un groupe de jeunes gens (incarnés par des interprètes inconnus mais très justes) qui vont rallier les rangs de la lutte clandestine contre le nazisme pour le compte du fameux Orchestre rouge dont l’écrivain Gilles Perrault a immortalisé le réseau français. Dans la fougue insouciante d’un âge qui les incite à se battre pour défendre leurs idées, même s’ils semblent condamnés par avance sous le poids du nombre.
Alexander Scheer et Liv Lisa Fries
Cette chronique d’un été faussement harmonieux est mise en scène par l’ex-Allemand de l’Est Andreas Dresen sans vraiment insister sur le bruit et la fureur qui résonnent au loin. Au point que les actes de résistance que commettent ses protagonistes sont dépeints comme des gestes de désobéissance civile anodins dont les conséquences vont devenir disproportionnées et servir d’exemple pour la propagande nazie. En effet, ce qui leur est reproché est d’avoir émis des messages radiophoniques en direction de l’URSS, sans qu’on sache même s’ils sont parvenus à leurs destinataires et s’ils ont produit le moindre effet concret. Le parti pris du cinéaste consiste à dédramatiser cet acte au fond assez banal en montrant à quel point ses conséquences supposées ont pu être amplifiées et instrumentalisées pour alimenter le mythe des fameux ennemis de l’intérieur, tout en attisant la haine des communistes accrue par la rupture du Pacte germano-soviétique et un an après le déclenchement de l’opération Barbarossa. Ce film inspiré de faits authentiques montre cette période sous un jour singulier, dans une atmosphère faussement ouatée où les échos de la guerre semblent lointains et n’empêchent pas tout à fait la jeunesse de goûter aux plaisirs de son âge avant de se voir rattrapée par la réalité et châtiée “pour l’exemple”. Son mérite principal consiste à exhumer un phénomène assez isolé et à mettre en évidence les espoirs d’une jeunesse amputée de ses illusions et condamnée au malheur par l’aveuglement de tout un peuple.
Jean-Philippe Guerand
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