Film américano-britannique d’Edward Berger (2024), avec Ralph Fiennes, Stanley Tucci, Isabella Rossellini, John Lithgow, Carlos Diehz, Lucian Msamati, Brian F. O’Byrne, Merab Ninidze, Sergio Castellito, Thomas Loibl, Jacek Koman, Joseph Mydell, Rony Kramer… 2h01. Sortie le 4 décembre 2024.
Ralph Fiennes
Dans un monde surmédiatisé où les réseaux sociaux sont omniprésents, le Vatican reste une citadelle d’un autre âge qui fonctionne comme une secte en perpétuant des coutumes ancestrales. À l’image de la fumée blanche qui annonce depuis des lustres l’élection du nouveau Pape. Après avoir fait sensation avec une adaptation tonitruante d’À l’Ouest rien de nouveau, le réalisateur allemand Edward Berger investit aujourd’hui avec Conclave un univers qui a déjà fait fantasmer bon nombre de ses confrères sur petit et sur grand écran. Il s’attache plus particulièrement à ce moment suspendu au cours duquel les cardinaux se réunissent pour élire le plus haut dignitaire de l’église catholique. Un sujet qui a déjà inspiré à Nanni Moretti Habemus Papam (2011), mais aussi avant lui à Michael Anderson Les souliers de Saint-Pierre (1968) d’après un roman de Morris West sur fond de Guerre froide, et nourrit d’autant plus les fantasmes qu’il se déroule dans un secret absolu propice aux conjectures les plus folles. Sans même mentionner des œuvres telles que L’exorciste (1973) et Da Vinci Code (2006) qui jouent davantage sur l’aspect occulte et sulfureux de la religion. Dès lors, cette antichambre du pouvoir qui sert de cadre à Conclave est le lieu de tractations diplomatiques qui relèvent moins de contingences spécifiquement religieuses que d’enjeux géopolitiques traditionnels, bien que le pouvoir du Vatican sur ses ouailles se soit considérablement amoindri au fil des siècles et que le fossé se soit peu à peu creusé entre ses préceptes moraux et l’évolution des mœurs, sans même mentionner le scandale de la pédophilie, la crise des vocations et un recul significatif de la foi dans les pays occidentaux.
Ralph Fiennes et Stanley Tucci
Inspiré d’un roman publié en 2016 par le journaliste Robert Harris, dont un autre livre a inspiré J’accuse (2019) à Roman Polanski, Conclave s’attache aux coulisses de l’élection du Pape et aux tractations de couloir qui se déroulent au sein même du corps électoral d’où émerge parfois un outsider qui va réaliser une unanimité inattendue, souvent malgré lui et sans même avoir songé à postuler à cette charge écrasante qui l’érigera au rang de surhomme aux yeux de la chrétienté. Le succès des mini-séries de Paolo Sorrentino The Young Pope (2016) et The New Pope (2020) associé à celui du film Les deux papes (2019) de Fernando Meirelles a démontré la fascination que continue à susciter ce monde à part. Après Jude Law, c’est un autre acteur britannique qui en tient le rôle principal, Ralph Fiennes, avec suffisamment de fièvre pour nous donner à partager les affres qui le rongent, alors même que son prédécesseur est mort dans des circonstances pour le moins suspectes. Edward Berger excelle à dépeindre ces intrigues qui aboutissent à l’élimination des personnalités les plus en vue au profit d’un profil moins clivant. Il s’en remet pour cela à des dialogues ciselés, parfois à double sens, et à un casting aussi international que convaincant qui reflète le nouveau profil de la hiérarchie ecclésiastique et notamment la montée en puissance de l’Amérique latine et de l’Afrique qui constituent un précieux gisement de croyants issus de l’évangélisation. Conclave nous entraîne dans l’un des derniers lieux vraiment secret de la planète, à l’écart des micros, des caméras et des réseaux sociaux, qui a permis à l’Église de se protéger de la curiosité du monde et de prêter le flanc aux fantasmes les plus délirants sans qu’aucun documentaire en ait jamais percé le secret bien gardé.
Jean-Philippe Guerand
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