Accéder au contenu principal

“Gladiator II” de Ridley Scott



Film américano-britannique de Ridley Scott (2024), avec Paul Mescal, Pedro Pascal, Connie Nielsen, Denzel Washington, Joseph Quinn, Fred Hechinger, Lior Raz, Derek Jacobi, Rory McCann, Tim McInnerny, Alec Utgoff, Alexander Karim, Chi Lewis-Parry, Riana Duce, Alfie Tempest, Hadrian Howard, Lee Charles, May Calamawy, Peter Mensah, Matt Lucas… 2h30. Sortie le 13 novembre 2024.



Pedro Pascal



Le péplum est depuis toujours une constituante à part entière du cinéma qui y a trouvé maints sujets d’inspiration, mais n’y revient plus aujourd’hui que par rebonds à travers des sagas uchroniques irriguées par une imagerie mythologique qui va de Dune à Rollerball en passant par la série Game of Thrones. Ridley Scott a rendu ses lettres de noblesse au genre et remis à la mode les jeux du cirque avec Gladiator (2000) dont il livre un quart de siècle plus tard une suite qui met en scène… la génération suivante. Son héros est un jeune rebelle avec cause qui se retrouve dans les geôles romaines et s’affirme bientôt comment un gladiateur héroïque que prend sous son aile un préfet ambitieux en mesurant le parti qu’il peut tirer de la bravoure de cette nouvelle idole des arènes pour servir ses plus noirs desseins. Ridley Scott et son scénariste David Scarpa ne prétendent pas respecter scrupuleusement la vérité historique et s’autorisent moult entorses et anachronismes pour servir leur propos, tout en s’adressant au public d’aujourd’hui et à sa frange la plus woke. Non seulement des femmes siègent au Sénat, mais l’Empire romain est dirigé par le cruel Caracalla et son frère cadet Geta, dépeints ici comme des êtres passablement dégénérés. Le gladiateur campé par Paul Mescal incarne l’opposition aux fils indignes de Septime Sévère, à travers une vengeance qui va passer par des révélations successives sur sa propre identité en parant son combat d’une autre dimension à travers le couple formé par Connie Nielsen, l’une des seules rescapées de l’opus originel, et Pedro Pascal, l’un des cow-boys gays du western de Pedro Almodóvar Strange Way of Life.



Paul Mescal



On ne peut que rester bouche bée face à la méthode élaborée par Ridley Scott, capable d’enchaîner les fresques historiques ou futuristes les plus ambitieuses au rythme métronomique d’une par an, là où la plupart des cinéastes contemporains ont souvent besoin de plusieurs années pour parvenir à leurs fins. À 86 ans, le réalisateur de House of Gucci et Napoléon continue à creuser son sillon, avec toujours cette même obsession de servir un art populaire, en se basant sur une expertise technologique de pointe et un mode de fonctionnement qui s’apparente à celui des grands studios hollywoodiens. Gladiator II nous offre en fait très précisément ce qu’on pouvait en attendre, avec en prime des animaux exotiques terrifiants qu’on croirait sortis de “L’île du Docteur Moreau” de l’écrivain H. G. Wells et un esprit de révolte tout droit hérité de Spartacus. Le plaisir coupable qu’on prend à ce grand spectacle repose en outre pour une bonne part sur les épaules de ses protagonistes. Mention spéciale à Denzel Washington, éblouissant comploteur dans le rôle de Macrinus qui deviendra plus tard le premier empereur romain de couleur et mériterait en tant que tel qu’un film lui soit consacré, même si les pays du Maghreb se sont émus de voir un homme d’origine berbère campé par un acteur à la peau trop foncée. Il convient cependant de faire abstraction de toutes ces licences qu’on qualifiera de poétiques et de goûter pour ce qu’elle ambitionne d’être cette fresque de bruit et de fureur scandée par la musique tonitruante d’Harry Gregson-Williams. Pouce en l’air pour le seul héritier assumé et légitime de Cecil B. de Mille !

Jean-Philippe Guerand

 


Denzel Washington

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Le paradis des rêves brisés

La confession qui suit est bouleversante… © A Medvedkine Elle est le fait d’une jeune fille de 22 ans, Anna Bosc-Molinaro, qui a travaillé pendant cinq années à différents postes d’accueil à la Cinémathèque Française dont elle était par ailleurs une abonnée assidue. Au-delà de ce lieu mythique de la cinéphilie qui confie certaines tâches à une entreprise de sous-traitance aux méthodes pour le moins discutables, CityOne (http://www.cityone.fr/) -dont une responsable non identifiée s’auto-qualifie fièrement de “petit Mussolini”-, sans nécessairement connaître les dessous répugnants de ses “contrats ponctuels”, cette étudiante éprise de cinéma et idéaliste s’est retrouvée au cœur d’un mauvais film des frères Dardenne, victime de l'horreur économique dans toute sa monstruosité : harcèlement, contrats précaires, horaires variables, intimidation, etc. Ce n’est pas un hasard si sa vidéo est signée Medvedkine, clin d’œil pertinent aux fameux groupes qui signèrent dans la mouva...

Bud Spencer (1929-2016) : Le colosse à la barbe fleurie

Bud Spencer © DR     De Dieu pardonne… Moi pas ! (1967) à Petit papa baston (1994), Bud Spencer a tenu auprès de Terence Hill le rôle de complice qu’Oliver Hardy jouait aux côtés de Stan Laurel. À 75 ans et après plus de cent films, l’ex-champion de natation Carlo Pedersoli, colosse bedonnant et affable, était la surprenante révélation d’ En chantant derrière les paravents  (2003) d’Ermanno Olmi, Palme d’or à Cannes pour L’arbre aux sabots . Une expérience faste pour un tournant inattendu au sein d’une carrière jusqu’alors tournée massivement vers la comédie et l’action d’où émergent des films comme On l’appelle Trinita (1970), Deux super-flics (1977), Pair et impair (1978), Salut l’ami, adieu le trésor (1981) et les aventures télévisées d’ Extralarge (1991-1993). Entrevue avec un phénomène du box-office.   Rencontre « Ermanno Olmi a insisté pour que je garde mon pseudonyme, car il évoque pour lui la puissance, la lutte et la viol...

Jean-Christophe Averty (1928-2017) : Un jazzeur sachant jaser…

Jean-Christophe Averty © DR Né en 1928, Jean-Christophe Averty est élève de l'Institut des Hautes Etudes Cinématographiques (Idhec) avant de partir travailler en tant que banc-titreur pour les Studios Disney de Burbank où il reste deux ans en accumulant une expertise précieuse qu'il saura mettre à profit par la suite. De retour en France, il intègre la RTF en 1952 où il réalisera un demi-millier d'émissions de radio et de télévision dont Les raisins verts (1963-1964) qui assoit sa réputation de frondeur à travers l'image récurrente d'une poupée passé à la moulinette d'un hachoir à viande et pas moins de 1 805 numéros des Cinglés du music-hall (1982-2006) où il exprime sa passion pour la musique, sur France Inter, puis France Culture, lui, l'amateur de jazz à la voix inimitable chez qui les mots semblent se bousculer. Fin lettré et passionné par les images, l’iconoclaste Averty compte parmi les pionniers de la vidéo et se caract...