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“Twisters” de Lee Isaac Chung



Film américain de Lee Isaac Chung (2024), avec Daisy Edgar-Jones, Glen Powell, Anthony Ramos, Maura Tierney, Brandon Perea, Sasha Lane, David Corenswet, Katy O’Brian, Tunde Adebimpe, Harry Hadden-Paton, Daryl McCormack… 2h02. Sortie le 17 juillet 2024.



Daisy Edgar-Jones et Anthony Ramos



S’il est un domaine où la réalité dépasse allègrement la fiction, c’est le dérèglement climatique et les phénomènes spectaculaires qu’il induit. Roland Emmerich semblant avoir épuisé toutes ses cartouches dans ce domaine, le cinéma hollywoodien révise ses classiques et les remet à niveau en profitant des dernières avancées technologiques. En 1996, l’ex-chef opérateur néerlandais de Paul Verhoeven boosté par le succès de sa première réalisation, Speed (1994), se voyait confier les rênes de Twister, un film catastrophe consacré à un phénomène typiquement américain, les chasseurs de tornades. Trois décennies plus tard, c’est un pur transfuge du cinéma d’auteur, Lee Isaac Chung, qui réalise Twisters et réussit la prouesse d’imposer sa griffe personnelle à un pur film de commande qu’il réussit à humaniser. On reconnaît en outre dans certains plans cette fascination pour la nature qui affleurait déjà des deux films les plus célèbres de ce réalisateur d’origine coréenne qui a grandi dans une exploitation agricole de l’Arkansas : Munyurangabo (2007) et surtout Minari (2020). Son nouveau long métrage déborde ainsi du traditionnel cahier des charges en se concentrant sur le traumatisme subi par une jeune scientifique qui va replonger dans cet univers impitoyable pour se mettre en paix avec sa conscience et valider ses théories, en imposant son expertise éprouvée à une poignée de têtes brûlées.



Daisy Edgar-Jones, Harry Hadden-Paton et Glen Powell 



Twisters prend soin de n’avoir recours aux effets spéciaux qu’en tout dernier lieu et d’éviter la surenchère en vigueur dans ce type de cinéma. Lee Isaac Chung dispose pour cela de comédiens qui ne sont pas des stars consacrées mais des talents émergents, à l’instar de ses trois interprètes principaux : la Britannique Daisy Edgar-Jones découverte dans la série Normal People, Glen Powell qui s’est identifié à son prédécesseur Bill Paxton et Anthony Ramos, révélé par la comédie musicale Hamilton. Leurs compositions sont rehaussées par le soin particulier qu’apporte à la composante psychologique le scénariste de The Revenant, Mark L. Smith, qui ne se contente pas d’illustrer un concept, en s’attachant à l’impossible travail de deuil d’une jeune femme qui s’est réfugié dans ses recherches et trouve l’occasion de les valider une fois pour toutes en donnant un nouveau sens à sa vie et en sortant du repli sur soi dans lequel elle s’était enfermée. On reconnaît aussi dans ces thématiques la présence en coulisse du producteur Steven Spielberg qui accorde depuis toujours un soin particulier à la caractérisation de ses protagonistes sans les avoir jamais considérés comme des victimes en puissance des dangers qu’il met en scène, une constante qui remonte aux Dents de la mer, il y a déjà un demi-siècle. C’est aussi sur ce registre que joue Twisters, avec son héroïne qui s’ouvre à l’amour en flirtant avec la mort et son cow-boy des réseaux sociaux qui finit par préférer le réel au virtuel. Télescopage ô combien improbable du film catastrophe avec le conte moral qui ajoute un précieux zeste d’humanité au grand spectacle.

Jean-Philippe Guerand






Glen Powell et Daisy Edgar-Jones

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