Film américain de Ti West (2024), avec Mia Goth, Elizabeth Debicki, Moses Sumney, Giancarlo Esposito, Lily Collins, Halsey, Kevin Bacon, Michelle Monaghan, Bobby Cannavale, Uli Latukefu, Ned Vaughn, Deborah Geffner, Chloe Farnworth, Charley Rowan McCain, Naomi Phan, James Hunter, Clayton Farris, Zachary Mooren… 1h44. Sortie le 31 juillet 2024.
Mia Goth
Révélé en France par X, le premier pan d’une trilogie vintage dont l’opus suivant, Pearl (opportunément mis en ligne sur Netflix), qui se déroulait en 1918 pendant l’épidémie de grippe espagnole dans une famille luthérienne, n’a pas été projeté dans les salles françaises pour cause de pandémie de Covid-19 et de pénurie de films inédits sur Canal +, Ti West a de la suite dans les idées comme l’atteste aujourd’hui MaXXXine qui clôt ce cycle. Au cœur de ce triptyque atypique trône la comédienne Mia Goth qui y arbore de multiples visages avec une irrésistible inclination pour le trouble et la perversité. Maxine, c’est elle : une actrice porno du milieu des années 80 qui tente une transition délicate vers le cinéma traditionnel, tandis qu’un tueur en série s’en prend aux starlettes en devenir. On retrouve dans ce film le caractère sulfureux de ceux qui l’ont précédé, une décennie plus tard, à travers le lien ténu que représente son héroïne survivante derrière son statut en miroir de vedette du X aussi fascinée par le sexe que la violence, avec une nette propension pour les déguisements. Le réalisateur applique à ces intrigues un traitement qui revendique sa parenté avec le cinéma d’exploitation de leur époque, sans jamais prétendre adopter une pose quelconque. Du grain de l’image au look des personnages, à l’ambiance sonore et au choix des décors, l’illusion est parfaite et les reconstitutions impeccables. Au point que le statut de la femme objet à ces époques pas si reculées est revendiqué, mais dynamité dans le même mouvement par le caractère du personnage principal qui n’éprouve aussi peu de scrupules à faire commerce de ses atouts charnels qu’à occire ceux-là même qui en profitent et en abusent. Une morale sardonique pour des exercices de style dont la finalité consiste à dynamiter de l’intérieur avec virtuosité l’une des pires manifestations du patriarcat.
Kevin Bacon
Ti West réussit la prouesse d’assumer un cinéma référentiel, tout en creusant son propre sillon et en confrontant des intrigues solidement ancrées dans leur époque à un traitement qui assume l’héritage de ces chantres de l’horreur des années 70 que sont Tobe Hooper, Wes Craven et même Abel Ferrara. Avec en toile de fond une époque de grande confusion écartelée entre la libération des mœurs et l’escalade de la violence. Le réalisateur n’est toutefois jamais dupe de son sujet et résout ses excès par un usage acéré de l’ironie que manipule en virtuose l’actrice anglaise Mia Goth avec son physique étrange de fausse ingénue cramponnée à son arrivisme. C’est ce qu’on retiendra de ces trois exercices de style qui ont le bon goût de ne jamais tricher avec le public et de nous entraîner dans un véritable grand-huit. Leur virtuosité ne s’apparente jamais à de la roublardise et Ti West sait ménager ses effets sans pour autant en abuser. Sans doute parce qu’il n’est jamais dupe de ses sujets et a envisagé les opus successifs de ce cycle dans leur globalité, comme un défi en trois actes. Avec en son centre trois personnages féminins incarnés par la même actrice qui courent après leurs rêves dans un environnement hostile. Au sein d’un cinéma américain tiraillé entre des franchises à but lucratif et des films d’auteur indépendants qui en sont venus à tous se ressembler et à sacrifier pour cela leur audace, la trilogie de Ti West et Mia Goth a le mérite d’affirmer une foi revigorante envers le cinéma le plus noble qui soit : celui qui croit encore en la liberté et n’a cure de s’autocensurer pour bénéficier d’une plus large exposition.
Jean-Philippe Guerand
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