Film américain de Ti West (2022), avec Mia Goth, Jenna Ortega, Brittany Snow, Kid Cudi, Martin Henderson, Owen Campbell, Stephen Ure, James Gaylyn, Matthew Saville, Simon Prast, Geoffrey Dolan, Bryony Skillington… 1h45. Sortie le 2 novembre 2022.
Brittany Snow
Dans les années 70, alors que l’époque est à une certaine promiscuité qu’on qualifie d’amour libre, une joyeuse équipe s’installe dans une grange pour tourner un film porno. Mais c’est compter sans la personnalité de ses hôtes, des rednecks arriérés qui s’estiment floués par ces pieds-tendres venus de la grande ville et donnent libre cours à leurs plus bas instincts. Ti West signe avec X un slasher bourré de références qui se déroule à l’âge d’or du cinéma d’horreur et rend un hommage appuyé à cette génération spontanée de petits maîtres qui a éclos à l’orée des années 70, de George A. Romero (La nuit des morts vivants, 1968) à Wes Craven (La dernière maison sur la gauche, 1972), en passant par Tobe Hooper (Massacre à la tronçonneuse, 1974) et John Carpenter (Dark Star – L’étoile noire, 1974). Des réalisateurs cinéphiles biberonnés aux séances de minuit qui ont donné ses lettres de noblesse à un cinéma cantonné jusqu’alors dans les drive-in et des salles new-yorkaises de la Cinquante-deuxième Rue. Ti West est l’héritier de ses maîtres. Un copiste surdoué né à l’aube des années 80 qui ne boude jamais son plaisir et reconstitue méticuleusement en numérique le cinéma de cette époque, jusqu’à ses couleurs pisseuses, son grain, ses coups de zoom, mais aussi la promiscuité idéalisée qui la caractérisait à travers l’essor simultané de l’industrie du porno née des illusions perdues du Flower Power.
Mia Goth
Ti West connaît ses classiques et capte à la perfection l’esprit de l’époque. Il dresse par ailleurs le portrait d’une époque insouciante où des néo-babas ont recyclé le fantasme de l’amour libre et leur liberté sexuelle en une activité à but lucratif qui bénéficie des bienfaits de la contraception, mais n’a pas encore vu sa soif de jouissance assombrie par le spectre du Sida. Un fantasme qui contamine à sa façon le couple de cul-terreux saisi lui aussi par cette frénésie. Comme sa typographie le souligne facétieusement, X orchestre la rencontre improbable de ces deux univers qui n’auraient jamais dû se croiser, mais s‘ignorent autant qu’ils se méprisent. Le metteur en scène connaît ses classiques et maîtrise à la perfection les codes sur lesquels repose son scénario. Avec cette lutte éternelle entre les citadins et les ruraux qui constitue l’une des caractéristiques principales de ce cinéma. Comme s’il s’agissait de laisser les ploucs prendre leur revanche sur ceux qui les ont toujours méprisés souverainement et auxquels leur intelligence ne sera d’aucun secours pour se défendre contre ces laissés-pour-compte qui ne connaissent du monde que son reflet cathodique déformé et semblent littéralement envoûtés par le discours radical des télévangélistes. X est bien davantage qu’un simple exercice de style : un film de genre radical et jubilatoire qui respecte les lois du genre sans trop se prendre au sérieux.
Jean-Philippe Guerand
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