Film français de Bruno Podalydès (2024), avec Daniel Auteuil, Sandrine Kiberlain, Denis Podalydès, Bruno Podalydès, Dimitri Doré, Isabelle Candelier, Michel Cremades… 1h36. Sortie le 5 juin 2024.
Sandrine Kiberlain et Denis Podalydès
Bruno Podalydès fait partie de ces auteurs français qui ont toujours réussi à passer entre les mailles des grands festivals ou presque, à l’image d’un Claude Sautet demeuré à bien des titres une exception française. Peut-être parce qu’il a toujours privilégié le registre de la comédie et ambitionne davantage de distraire que de donner à réfléchir. Et pourtant… Ses distributions ressemblent souvent à des carnets de bal prestigieux et il excelle dans l’art délicat du film choral. Bilan : une douzaine de films en trente ans qui n’ambitionnent pour la plupart que de procurer un plaisir dépourvu d’arrière-pensée, sans chercher à refaire le monde comme bon nombre de ses confrères. D’où peut-être son attachement à une certaine tradition qu’Alain Resnais fut sans doute l’un des derniers à perpétuer, d’ailleurs avec quelques interprètes en commun, un goût prononcé pour le verbe et une certaine intemporalité assumée qui l’a conduit à s’intéresser aux aventures de Rouletabille (Le mystère de la chambre jaune et Le parfum de la dame en noir, 2003-2005) et même à Bécassine ! (2018) sans chercher à les remettre au goût du jour ni même à les lifter pour souligner leur modernité. À une exception près : Les 2 Alfred (2020) qui se confrontait au monde moderne et à certains de ses errements, déjà avec Sandrine Kiberlain en guise de figure de proue.
Denis Podalydès, Sandrine Kiberlain et Daniel Auteuil
Derrière son titre en trompe-l’œil, La petite vadrouille n'a strictement aucun autre rapport avec le classique de Gérard Oury. L’argument pourrait avoir été emprunté à l’un de ces films d’Avant-Guerre qui transposaient des intrigues de boulevard dans une atmosphère bucolique un rien canaille, à l’instar de La belle équipe ou de Circonstances atténuantes. En l’occurrence, un patron y demande à sa secrétaire de lui organiser un week-end sentimental sans lui révéler pour autant qui est l’heureuse élue, tandis que sa famille et ses proches orchestrent cette croisière fluviale dans l’espoir de se renflouer. L’argument en vaut bien d’autres. Il n’est le prétexte qu’à des scènes franchement burlesques (à l’image de ces écluses qui donnent lieu à des péages répétés jusqu’à l’absurde, histoire de tirer le meilleur profit possible du pigeon romantique) qui confirment l’attrait irrésistible du cinéaste pour la BD dont il chérit la ligne claire et dont les interprètes inspirés ne boudent jamais leur plaisir, qu’il s’agisse de Daniel Auteuil en barbon d’opérette, de Sandrine Kiberlain en lumineux objet du désir, des frères Podalydès, du désopilant Dimitri Doré en ludion facétieux à l’opposé de la noirceur de son rôle écrasant dans Bruno Reidal, ou de la garde rapprochée du réalisateur dont la complicité ne nécessite aucun gage autre que le simple bonheur de jubiler et de nous le donner à partager. La croisière s’amuse, et nous avec. Sans vulgarité et avec une insouciance jubilatoire.
Jean-Philippe Guerand
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