Film américain de Kristoffer Borgli (2023), avec Nicolas Cage, Julianne Nicholson, Michael Cera, Jessica Clement, Lily Bird, Star Slade, David Klein, Kaleb Horn, Liz Adjei, Paula Boudreau, Marnie McPhail, Noah Lamanna, Tim Meadows, Dylan Baker… 1h41. Sortie le 27 décembre 2023.
Révélé il y a quelques mois par une réflexion très singulière sur la dictature de la notoriété, Sick of Myself, le cinéaste norvégien Kristoffer Borgli a logiquement attiré l’attention d’Hollywood. Son premier film américain repose sur un concept très original. Un professeur d’université à l’existence routinière se retrouve malgré lui au cœur des rêves de gens qu’il ne connaît pas toujours et où il apparaît le plus souvent comme un figurant intrusif. Un phénomène irrationnel qui laisse les spécialistes perplexes, mais finit par le dépasser en lui valant une gloire aussi soudaine qu’envahissante. On imagine aisément le parti qu’aurait pu tirer le Spike Jonze de Dans la peau de John Malkovich (1999) et Her (2013) d’un tel concept. Dream Scenario cherche moins à trouver une explication à ce phénomène irrationnel qu’à observer ses effets sur un homme vraiment banal. Au point de se retrouver totalement désarmé lorsqu’il s’agit de faire face à une gloire plus encombrante que gratifiante. Au second degré, le film dresse l’état des lieux d’une société affectée du syndrome cher à Andy Warhol selon lequel n’importe qui est susceptible de jouir d’un instant de célébrité éphémère, aussi bref et injustifié soit-il. Monde éminemment cruel où tout le monde vit aux crochets de l’attention que lui accordent les autres, mais toujours avec une arrière-pensée consciente ou inconsciente.
Nicolas Cage
Au-delà de l’originalité même de son sujet, Dream Scenario bénéficie d’un atout maître en la personne de son interprète principal, Nicolas Cage, à contre-courant de ses emplois habituels en type ordinaire pas vraiment préparé à faire face à la situation dont il est devenu le héros malgré lui. Un rôle qui évoque certains des hommes de la rue mis en scène par Frank Capra, avec en plus une incapacité fondamentale à s’adapter pour assumer ce nouveau statut, en raison de son caractère étriqué. Une composition assez savoureuse qui donne une autre dimension à cette invitation au rêve pour le moins saugrenue en l’étendant à une réflexion en trompe-l’œil sur cette chimère dans l’air du temps que constitue la notoriété en soi. On reconnaît même là la patte de Kristoffer Borgli, observateur narquois d’une époque où le paraître a supplanté l’être et où la célébrité est désormais une valeur fondamentale qui n’a même plus besoin d’être justifiée par des faits tangibles et objectifs. Or, c’est précisément parce qu’il se révèle incapable d’endosser ce costume trop ample que ce quidam projeté dans une autre dimension subit les conséquences de sa gloire soudaine, sans même avoir eu le temps d’en profiter. Un constat amer mais savoureux qui va de pair avec une sanction morale implacable, le tout baigné par un humour au vitriol qui n’épargne rien ni personne, de la ménagère américaine stéréotypée à l’étudiante prête à tout pour réussir qui cadrent aussi mal l’une que l’autre avec les revendications féministes du mouvement #MeToo.
Jean-Philippe Guerand
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