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“Tapie” de Tristan Séguéla



Mini-série française de Tristan Séguéla (2023), avec Laurent Lafitte, Joséphine Japy, Camille Chamoux, Fabrice Luchini, Camille Le Gall, Antoine Reinartz, Patrick d’Assumçao, Ophélia Kolb, Hakiim Jemili, Julien Frison, Alexia Giordano, Alexandre Blazy, Sylvain Jouret, Romain Francisco, Sarah Suco, Samuel Labarthe, Éric Talbot… Sept épisodes d'une durée totale de 6h15. Mise en ligne le 13 septembre 2023 sur Netflix.



Laurent Lafitte



Bernard Tapie méritait à tout le moins un biopic, tant sa destinée a accompagné le dernier demi-siècle. Tristan Séguéla se concentre sur une trentaine d’années, de 1966 à 1997, de sa participation à un radio-crochet télévisé dont les jurés préfèrent la voix de Bernard Tapy (avec un Y final pour faire anglo-saxon) à celle de… Michel Polnareff, à son passage par la case prison où il est accueilli comme un héros par les autres détenus qui reconnaissent en lui une crapule digne de leurs vivats. Père de famille amoureux de sa femme, attaché à ses parents et attentif à sa fille, notre homme débute comme un gagne-petit avant de déployer ses ailes. Comme s’il avait besoin d’échouer pour réussir, mais se trouvait dépassé par sa propre audace. Avec quelques morceaux de bravoure qui reflètent son caractère bien trempé, de la reprise de Wonder (le film s’intitule d'ailleurs en anglais… Wonderman) à celle d’Adidas, en passant par sa nomination comme ministre de la Ville, sa joute avec Jean-Marie Le Pen et la victoire historique de l’Olympique de Marseille en Ligue des champions ternie par la sordide affaire de corruption OM-VA pour laquelle il se voit condamné à huit mois de prison ferme. Grandeur et décadence d’un aventurier doué d’un culot à toute épreuve qui a abondamment joué de son charisme et de son pouvoir de séduction pour se faire une place au soleil avant de se voir rattrapé par ses vieux démons.



Laurent Lafitte



Le scénario concocté par Tristan Séguéla et Olivier Demangel s’appuie sur un florilège de faits établis pour dresser la chronique d’un personnage fantasque qui a subi pas mal de revers avant d’amasser une fortune considérable grâce à des entreprises prestigieuses reprises pour un franc symbolique puis revendues des millions une fois renflouées. Tapie s’avère ici indissociable de son interprète principal, Laurent Lafitte, qui use du charisme de son personnage pour le rendre successivement charmeur, pathétique, hâbleur, victorieux et vulnérable. Avec cette constante qu’il apparaît presque toujours sympathique avec son franc-parler du démarcheur à domicile (qu’il avait été à ses débuts), mais ne se montre vraiment en délicatesse que quand il a affaire à des puissants authentiques, en l’occurrence son premier associé que campe Fabrice Luchini (déjà à l'affiche du précédent film du réalisateur, Un homme heureux), le président François Mitterrand et le procureur Éric de Montgolfier (interprété par l’excellent acteur de théâtre Éric Talbot qui crève l’écran) dans un face à face magistralement dialogué où le masque du matamore commence à se fissurer. Avec ce fil rouge que constitue son esprit de famille, qu’il concerne ses parents, ses deux épouses ou ses enfants associés étroitement à sa réussite. Tapie trouve un juste équilibre à travers ce portrait d’un aventurier emblématique de son époque dont le plus grand tort aura consisté à défier la République, comme en témoigne ce face à face incroyable avec Gaston Deferre qu’il ambitionnait de remplacer à la mairie de Marseille pour assouvir ensuite ses ambitions présidentielles et lui restituer son mandat. Une ironie d’autant plus mordante que le réalisateur n’est autre que le propre fils du publicitaire Jacques Séguéla auquel il adresse d’ailleurs un clin d’œil savoureux.

Jean-Philippe Guerand




Laurent Lafitte

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