Film français de Léa Fehner (2022), avec Héloïse Janjaud, Khadija Kouyaté, Myriem Akheddiou, Quentin Vernede, Tarik Kariouh, Marine Gesbert… 1h38. Sortie le 30 août 2023.
Khadija Kouyaté
Devenu un sujet de société crucial par ses conséquences sur le bon fonctionnement d’un système de santé vertueux dont les bases ont été posées à la Libération, l’hôpital est devenu en quelques années un décor de cinéma familier dont la pandémie de Covid a pointé l’essentialité. Parmi les professions de santé a émergé une figure jusqu’alors négligée qui a notamment inspiré dans un passé récent des films tels que Sage femme de Martin Provost, Pupille de Jeanne Herry, Sage-homme de Jennnifer Devoldère et aujourd’hui Sages-femmes de Léa Fehner. Comme s’il avait fallu attendre que les réalisatrices prennent le pouvoir pour voir enfin célébré comme il le mérite ce sacerdoce miraculeux qui consiste à consacrer sa vie à la donner et mériterait en tant que tel de se voir qualifié de plus beau métier du monde. Pour avoir porté l’art de la mosaïque humaine à un très haut niveau avec Qu’un seul tienne et les autres suivront (2009) et Ogres (2015), Léa Fehner plante cette fois sa caméra dans une maternité qu’elle regarde vivre au fil des naissances, à travers les yeux de deux sages-femmes dont c’est la première affectation. Une immersion d’autant plus intense que rien ne se passe jamais tout à fait comme prévu et que la tension dont souffre le système de santé oppressé par l’administration accentue les risques, faute de personnel et de moyens suffisants.
Héloïse Janjaud
À son habitude, Léa Fehner, qui est sortie diplômée du département scénario de la Fémis et retrouve ici sa partenaire de prédilection, Catherine Paillé, aborde la fiction avec une rigueur… documentaire. Chaque scène de son film exhale un parfum de vécu qui nourrit la vraisemblance de cette étude de mœurs où chacun reconnaîtra des choses vues ou entendues. Une authenticité qu’accentue encore la présence d’interprètes pour l’instant peu connus, à commencer par Héloïse Janjaud et Khadija Kouyaté qui tiennent les rôles principaux et réussissent la prouesse de mettre leur fraîcheur de comédiennes au service de l’inexpérience de ces sages-femmes fraîchement promues auxquelles leurs aînés ne laissent même pas le temps de s’acclimater… tout simplement parce que leurs conditions de travail et leur manque d’effectifs ne leur laissent pas la possibilité de tergiverser. Avec en prime le tableau d’un monde fou fou fou où tout peut arriver à n’importe quel moment, le meilleur comme le pire, tant le facteur humain y occupe une position essentielle. Prix du jury œcuménique dans la section Panorama de la Berlinale, Sages-femmes observe ce milieu en constante effervescence à travers le regard de ces novices entraînées dans une véritable tourmente où chacune de leurs décisions s’avère lourde de conséquences mais les aide à progresser en emmagasinant une expérience dont rien ne garantit qu’elle sera vraiment profitable, tant chaque naissance est unique. C’est même ce qui fait la beauté unique de ce film trépidant.
Jean-Philippe Guerand
Commentaires
Enregistrer un commentaire